La ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget déposant son budget 2009-2010, le jeudi 19 mars 2009.
Photo: La Presse canadienne
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Par Michel Munger
La Presse Affaires, cyberpresse, 19 mars 2009
(Québec) Le gouvernement du Québec enregistrera 7,7 milliards de déficits sur deux ans en période de récession. Et le retour à l'équilibre nécessitera des sacrifices, dont une hausse de la TVQ à 8,5% en 2011.
C'est le principal message lancé aux Québécois par la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, lors du dépôt du budget. Elle s'inspire ouvertement des théories de Keynes afin de stimuler l'économie quand les revenus de l'État sont sous pression.
Ainsi, Québec prévoit un déficit de 3,9 milliards ou 1,3% du PIB en 2009-2010 et de 3,8 milliards pour l'exercice suivant. Ses investissements doivent entraîner l'injection de 15 milliards sur deux ans dans l'économie - 4,9% du PIB - et créer 60 000 emplois. Proportionnellement, c'est plus agressif que les 4,1% et 4,8% respectifs du Canada et des États-Unis.
Afin de sortir les sceaux d'encre rouge, les libéraux suspendront la Loi sur l'équilibre budgétaire et la modifieront pour que le retour à la normale se fasse étape par étape.
La ministre a estimé pendant son discours à l'Assemblée nationale avoir tout l'appui nécessaire pour aller de l'avant. «Plus de 70% des participants aux consultations en ligne sont d'avis qu'en temps de récession, des déficits budgétaires sont nécessaires pour protéger les emplois et les services aux citoyens. Nous sommes de cet avis.»
Une grande partie du manque à gagner s'explique facilement: le gouvernement Charest prévoit 479 millions sur deux ans pour des mesures de stimulation, tout en devant composer avec 2,5 milliards de revenus de moins que prévus. Ce sont surtout les impôts des sociétés qui affectent les recettes de l'État.
Répondre aux urgences
Québec estime que 3,4 milliards seront injectés dans l'économie. Cela se fera grâce notamment à la transformation du régime Actions-croissance PME en Régime d'épargne-actions II, à la création de fonds d'urgence et de capital de risque avec des partenaires tels que le Fonds de solidarité FTQ, la Société générale de financement et la Caisse de dépôt et placement.
On y trouve aussi des mesures ciblées comme l'injection de 65 millions dans le secteur forestier, l'amortissement accéléré pour les entreprises qui investissent dans l'équipement et la bonification de 518 millions du Pacte pour l'emploi.
Il ne faut pas se surprendre que, comme toujours, une grande part des dépenses provinciales revient à la santé et à l'éducation, les deux plus grands postes budgétaires. Ainsi, le budget de la santé grimpe de 5,7% à 27 milliards cette année. Celui de l'éducation progresse de 3,5% à 14,5 milliards.
Rétablir l'équilibre... et refiler la facture
Comme le fait le gouvernement fédéral, Québec calcule qu'il pourra renouer avec l'équilibre budgétaire en 2013. Et ce même si des économistes comme David Dodge, ancien gouverneur de la Banque du Canada, ont qualifié de tels scénarios d'irréalistes.
Les sacrifices imposés pour y arriver feront grincer des dents. Dès le 1er janvier 2011, tous les tarifs qui n'ont pas été indexés afin de suivre l'inflation augmenteront, sauf pour les garderies à 7 $. Cela produira des revenus de 60 millions par année, qui atteindront 195 millions en 2013-14.
Anticipant les critiques, la ministre déclare en chambre que «beaucoup de services gouvernementaux sont considérés comme «gratuits». C'est une illusion qui conduit à des comportements individuels qui mènent au gaspillage de nos ressources. Ce sont nos taxes et nos impôts, et donc l'ensemble de la collectivité qui paie la note pour ces services.»
«Actuellement, ajoute Mme Jérôme-Forget, des revenus de 3 milliards provenant de la tarification des services publics ne sont pas indexés. Le ministère des Finances a recensé, jusqu'à ce jour, des centaines de tarifs non indexés dans les ministères et organismes. Certains n'ont pas changé depuis plus de 10 ans. Par exemple, le traitement des certificats de naissance, de mariage ou de décès est fixé à 15 $ depuis 1996.»
Toujours pour le début de 2011, le gouvernement annonce une hausse surprise d'un point à 8,5% de la taxe de vente du Québec (TVQ). Les ménages à faible revenu bénéficieront toutefois d'une augmentation de leur crédit d'impôt à ce sujet. Il reste que les recettes de l'État devraient augmenter de 1,2 milliard par année avec cette mesure.
Monique Jérôme-Forget défend ardemment sa volte-face à ce sujet. «À la différence de l'impôt sur le revenu, une taxe à la consommation ne décourage pas l'effort de travail. De plus, la taxe à la consommation ne réduit pas l'incitation à l'épargne.»
Aussi, le gouvernement entend lutter de façon encore plus intense contre l'évasion fiscale pour récupérer jusqu'à 900 millions en 2013-14. Le potentiel est là: l'économie au noir équivaut à 10 milliards par année.
L'équilibre passera aussi par un ambitieux contrôle des dépenses. Les libéraux espèrent que dans deux ans, ils pourront contenir l'augmentation des dépenses à 3,2% par année, même si la moyenne récente dépasse 4,6% depuis quelques années. De plus, on comptabilise presque 60 milliards de dépenses de programmes pour 2009-2010, soit une hausse de 4,5%. À cela s'ajoute 6,1 milliards pour le service de la dette.
Malgré toutes les idées proposées pour rétablir l'équilibre, une seule phrase du plan budgétaire révèle l'ampleur du défi: «Des mesures additionnelles et récurrentes de l'ordre de 4 milliards de dollars devront être identifiées aux revenus ou aux dépenses afin de résorber l'impasse budgétaire d'ici 2013-2014.»
Le nouveau budget est déposé en comptant sur un scénario économique comparable aux prévisions moyennes du secteur privé. Selon le gouvernement, le produit intérieur brut réel devrait reculer de 1,2% cette année (62 900 emplois perdus) et augmenter de 1,9% l'an prochain.
Monique Jérôme-Forget a indiqué en conférence de presse qu'elle se devait de réagir à une détérioration imprévisible de l'économie au cours des derniers mois. «S'il y a des économistes dans la salle, vous n'est pas bien bons avec vos prévisions», a-t-elle blagué pour illustrer le problème.
Malgré la situation difficile à gérer, le Fonds des générations, un instrument de remboursement de la dette, n'est pas sacrifié sur l'autel de la relance. Les versements sont maintenus à 715 millions cette année et 880 millions l'an prochain.
Pour l'exercice se terminant en février 2009, Québec marchait déjà sur un fil de fer. Il a fallu piger 2 milliards dans la réserve budgétaire afin d'éponger son manque à gagner. Une telle mesure a déjà été prise un an plus tôt. Il reste 295 millions dans cette réserve, un montant déjà affecté à la réduction du déficit 2009-2010.
La dette totale du Québec à la fin de mars doit être de 130 milliards, soit 42,8% de la taille de l'économie. Elle devrait grimper à presque 146 milliards ou 46,3% en 2011.
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