Departement d'Économie
Université Oxford
Janvier 2009
Table des matières
1. Introduction..... 3
2. Des fondamentaux favorables au développement économique.... 4
3. Haïti n’est pas dans une situation désespérée.... 6
4. Une stratégie réaliste pour une sécurité économique rapide.... 8
4.1 Des objectifs simples et immédiats :
asseoir la sécurité sur des emplois, des services de base, la sécurité
alimentaire et la sauvegarde de l’environnement.... 8
4.2 Création d’emplois.... 9
4.2.1 Reconstruction .... 9
4.2.2 Zones franches.... 11
4.3 Les services de base.... 15
4.4 La sécurité alimentaire........... 17
4.5 La protection de l’environnement.... 18
5. Étapes suivantes.... 20
Haïti a une longue histoire de fragilité socioéconomique. Après une période de crise, l’Organisation des Nations Unies est intervenue, en 2004, en créant la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), qui est parvenue à instaurer une sécurité crédible et à l’étendre progressivement à tout le pays. La sécurité étant acquise, le processus démocratique a pu être relancé et un gouvernement légitime et comptable de son action a été formé à l’issue d’élections pacifiques. En 2007, à ces progrès sur le plan de la sécurité et sur le plan politique est venue s’ajouter l’adoption de HOPE II par le Congrès américain, programme qui donne à Haïti un accès préférentiel au marché américain, à des conditions extrêmement favorables. Ainsi, en 2007, Haïti jouissait à la fois de la sécurité, de la démocratie et de débouchés économiques. Ces bases étant posées, l’étape suivante aurait due être l’annonce du développement économique.
Mais en 2008, la société haïtienne a été frappée par une série de chocs externes majeurs. Tout d’abord, une brutale hausse du prix des denrées alimentaires a déclenché des émeutes et entraîné la chute du Gouvernement. Dans une société traversée de fractures, le processus démocratique s’enraye facilement. Il a fallu cinq mois pour qu’un nouveau gouvernement soit formé. À peine celui-ci était-il entré en fonctions que le pays a été frappé par un cyclone, le quatrième de la saison, qui a causé des inondations et des dégâts considérables. Des infrastructures ont été détruites et les moyens d’existence de nombreux Haïtiens ont été réduits à néant. Haïti devrait subir de nouveaux chocs en 2009. La récession mondiale devrait entraîner une réduction considérable du montant des envois de fonds, qui constituent de loin la principale source de devises du pays. Les pauvres seront particulièrement touchés. Par ailleurs, diverses consultations électorales doivent avoir lieu, qui risquent de monopoliser l’attention des décideurs.
Ces chocs ont deux conséquences graves. L’une est qu’ils ont créé une situation d’urgence humanitaire qui, si on n’y répond pas, pourrait bien être un nouveau déclencheur de troubles sociaux. L’autre est qu’ils ont retardé la mise en place de mesures de développement économique. Les mesures à prendre dans l’immédiat pour réparer les dégâts économiques et sociaux sont énoncés dans le Rapport d’évaluation des besoins après désastre. Nous prenons acte des besoins décrits dans le rapport et partons du principe que les mesures voulues seront prises. Prenant appui sur ce rapport, nous le complétons en proposant une stratégie susceptible d’accompagner la société haïtienne de la reconstruction à la sécurité économique. La crise alimentaire et les cyclones se sont conjugués pour faire de 2008 une année perdue, et ce temps perdu compte. La MINUSTAH et HOPE II ont une existence limitée dans le temps. Si on n’engage pas très bientôt un processus de développement économique, les difficultés seront beaucoup plus grandes car la MINUSTAH et HOPE II viendront alors à terme dans un délai trop rapproché pour permettre de donner confiance aux investisseurs. Imperceptiblement, les revers de 2008 ont renforcé l’idée qu’Haïti est enfermé dans un cycle d’échec.
Manifestement, il sera plus difficile de lancer le développement économique en 2009 qu’il ne l’aurait été en 2007. L’héritage des crises de 2008 et la récession mondiale de 2009 se conjuguent pour faire de 2009 une année peu propice. Le développement économique est pour autant faisable et impératif.
L’objet du présent rapport est précisément la faisabilité du développement économique en Haïti. En effet, malgré la détresse dans laquelle est plongé le pays, celui-ci a des atouts qui le placent en bien meilleure position que les autres « États fragiles », groupe dans lequel il est généralement classé. Du fait de la situation géographique d’Haïti, les Gouvernements haïtien, américain et canadien ont tous trois intérêt à ce que soit mis en place un programme concret et volontariste propre à déboucher sur une amélioration rapide de la situation socioéconomique et à des transformations à long terme. Contrairement à d’autres États fragiles en proie à des difficultés inextricables, Haïti offre aux États-Unis et au Canada une occasion rare de démontrer que leur aide peut permettre à une société de s’affranchir définitivement de la fragilité.
Le développement économique est doublement impératif. Premièrement, la démographie galopante du pays vient aggraver encore la pression déjà extrême sur les terres. Ce véritable raz-de-marée accélère la dégradation de l’environnement et, venant grossir les rangs des jeunes chômeurs, crée une situation explosive. Le revenu par habitant est en baisse tendancielle depuis 40 ans au moins et, si elle se poursuit, cette évolution continuera de fragiliser la société haïtienne. Deuxièmement, la MINUSTAH et HOPE II s’inscrivent des perspectives limitées dans le temps. Le temps ne joue donc pas nécessairement en faveur du pays. Bien au contraire, si l’on ne saisit pas les chances qui s’offrent aujourd’hui, la société haïtienne pourrait devenir davantage encore à la merci de troubles. Le Gouvernement haïtien, comme la communauté internationale, ont fait des efforts considérables pour ramener la paix sociale. Il ne faut pas que ces efforts aient été vains. Il ne faudrait pas que l’action du Gouvernement haïtien se solde par un retour au désordre, et en ce qui concerne la communauté internationale, au terme de son mandat, la MINUSTAH aura sans doute coûté quelque 5 milliards de dollars. Si Haïti retourne à un état de fragilité socioéconomique, ce sera comme si cet argent avait été dépensé en aide humanitaire au lieu de l’être en aide au développement. Un effort international aujourd’hui, à la fois pour répondre aux besoins qui sont décrits en détail dans le Rapport d’évaluation des besoins après désastre et pour mettre en œuvre le programme de développement proposé dans le présent rapport, permettra sans doute de faire l’économie d’une deuxième MINUSTAH à un moment ou à un autre dans les 10 ans à venir. Pour maintenir l’ordre social, il faut que la sécurité militaire cède rapidement le pas à la sécurité économique.
Le reste du bref rapport qui suit comprend quatre autres sections. La section 2, consacrée aux fondamentaux, tend à démontrer que les éléments de base de l’économie haïtienne sont beaucoup plus favorables que ceux des « États fragiles » auxquels on a l’habitude d’associer Haïti. La section 3 indique pourquoi ces fondamentaux ne sont pas réalisés à l’heure actuelle : ce qui fait défaut, c’est une stratégie économique concrète et bien définie énonçant clairement les mesures qui doivent être prises par tous les acteurs qui, ensemble, conduiront ou non le pays à la sécurité économique. La section 4, qui est la partie principale du rapport, expose cette stratégie. La section 5, enfin, indique quelles seraient les conditions à remplir pour, au-delà de la mise en œuvre de la stratégie, parvenir à la sécurité économique.
Haïti est classé « État fragile ». Cependant, lorsqu’on compare le pays à d’autres États fragiles, on constate que ses fondamentaux sont trés favorables. À vrai dire, si la communauté internationale ne peut réussir en Haïti, alors il est difficile d’imaginer qu’elle puisse réussir ailleurs.
Premièrement, Haïti n’est pas dans une région troublée. Les États fragiles de la région des Grands Lacs, en Afrique, ou d’Asie centrale, non seulement sont confrontés à des difficultés, mais doivent aussi faire face à des problèmes qui sévissent dans les pays voisins. Haïti, au contraire, est situé dans une région prospère et pacifique. Son seul voisin immédiat, la République dominicaine, est un État pacifique et prospère et ne se livre pas à des activités – comme l’aide clandestine à la guérilla – dont pâtissent bien d’autres États fragiles. Au contraire, la République dominicaine s’est toujours montrée un bon voisin, comme en témoignent les activités de promotion mutuelle des exportations dans le secteur de l’habillement. Le seul problème notable lié aux pays voisins est que les trafiquants de drogue colombiens se servent d’Haïti comme point de transit vers l’Amérique du Nord. Il s’agit là d’un problème qui relève strictement de la criminalité internationale et qui n’est pas lié à un agenda politique. Si Haïti est utilisé comme port de transit, c’est parce qu’étant le seul État fragile de la région, le pays constitue un point de transit idéal pour la criminalité internationale. En même temps, c’est là une raison qui devrait donner à réfléchir à l’Amérique du Nord et l’inciter à investir pour susciter des changements décisifs en Haïti. Ce pays étant le maillon faible, il est celui où l’investissement serait le plus rentable. La sécurité en Haïti est dans l’intérêt général de l’ensemble de la région.
Le pays ignore les problèmes structurels classiques...
Deuxièmement, Haïti, malgré ses difficultés, ignore les problèmes sociopolitiques structurels tenaces que connaissent la plupart des autres États fragiles. Le pays n’est pas divisé sur le plan ethnique, n’est pas traversé de fractures idéologiques profondes, n’abrite pas en son sein de groupe politique armé et organisé prêt à déclencher une rébellion et n’a plus d’establishment militaire pétri d’ambitions politiques.
Sur le plan politique : une ouverture...
Comme dans d’autres États qui sortent d’un conflit, les dirigeants politiques rencontrent beaucoup de résistance au sein même de la fonction publique, laquelle, comme cela se voit souvent dans ce genre de situation, est essentiellement inefficace. La classe politique est divisée, si bien que les décisions sont très difficiles à prendre. Cependant, les dirigeants eux-mêmes, pourtant assaillis par les problèmes immédiats liés à la crise, sont de qualité au regard de la plupart des situations postconflit. Le Président de la République et le Premier Ministre sont des personnes intègres, qui ont de l’expérience et du savoir-faire, et qui sont profondément attachés au maintien de la paix sociale. J’ai rencontré plusieurs ministres, qui tous se sont montrés soucieux du sort du pays et décidés à agir. Bien entendu, il y a de puissantes forces d’inertie, mais si celles-ci peuvent faire obstacle à une action publique d’envergure, elles ne sont pas de nature à empêcher des actions plus limitées et aux objectifs bien définis.
Une diaspora considérable à proximité...
La diaspora haïtienne en Amérique du Nord est, proportionnellement, l’une des plus nombreuses du monde. Elle fournit à Haïti un apport massif de fonds, constitue un réservoir de compétences et a une influence politique considérable. Les envois de fonds constituent une ressource vitale pour les ménages haïtiens. Le réservoir de compétences que représente la diaspora est un élément important car le pays manque désespérément de cadres moyens. La puissance du lobby haïtien est manifeste lorsqu’on sait qu’Haïti bénéficie du deuxième programme d’aide du Canada par le montant et que les États-Unis ont donné à Haïti un accès au marché américain à des conditions plus avantageuses qu’à tout autre pays.
Des débouchés...
HOPE II représente une énorme chance économique pour Haïti, qui se trouve, grâce à ce programme, dans une situation sans égale au monde, à savoir que le pays jouit de la garantie d’accès au marché américain, hors taxe et sans contrainte de quotas, pour les neuf prochaines années, avec en outre des règles d’origine généreuses et répondant tout à fait aux besoins du secteur de l’habillement. La récession mondiale et l’échec du Cycle de Doha viennent renforcer encore cet avantage car les fabricants des autres régions du monde auront sans doute à craindre qu’une montée des pressions protectionnistes ne menace leur accès actuel à tel ou tel marché. Du point de vue de l’accès au marché - élément important - Haïti est aujourd’hui le lieu de production le plus sûr au monde dans le secteur de l’habillement.
Certes, il ne suffit pas d’avoir accès au marché, encore ses coûts de production doivent-ils être compétitifs sur le marché mondial. Mais là encore, les fondamentaux sont favorables. Dans le secteur de l’habillement, le principal coût est celui de la main-d’œuvre. Haïti étant un pays pauvre et le marché du travail étant relativement peu réglementé, le coût de la main-d’œuvre soutient tout à fait la concurrence de la Chine, qui constitue la norme de référence. La main-d’œuvre haïtienne est non seulement bon marché, elle est aussi de qualité. En effet, comme l’industrie de l’habillement y était auparavant beaucoup plus développée qu’elle ne l’est à l’heure actuelle, Haïti dispose dans ce secteur d’une importante réserve de main-d’œuvre expérimentée.
L’accès aux marchés et les coûts de production ne sont pas les seuls facteurs importants : le transport jusqu’aux marchés est aussi un élément fondamental. Nombre d’États fragiles sont enclavés et, de ce fait, confrontés à des coûts de transport prohibitifs. Haïti au contraire est situé au seuil du marché qui constitue son débouché. Comme en outre, dans la région, son économie est celle où se pratiquent les plus faibles salaires, le pays jouit d’un avantage en matière de transport sur plusieurs milliers de kilomètres à la ronde, et cet avantage ne se mesure pas seulement en coûts de transport mais aussi en temps de livraison. Le secteur de l’habillement est en effet soumis aux effets de mode, d’où l’intérêt de pouvoir livrer dans des délais rapides.
3. Haïti n’est pas dans une situation désespérée
Vu les développements qui précèdent, le découragement qui s’observe chez les donateurs n’a pas de raison d’être. Certes, Haïti est confronté à de graves difficultés, mais les paramètres fondamentaux de son économie rendent le pays beaucoup plus attrayant que la plupart des autres États fragiles. À l’heure actuelle, la communauté des donateurs concentre son action sur le relèvement après la série de catastrophes naturelles qui a frappé Haïti. Cette action est utile, mais ce n’est pas la première fois qu’un appel est lancé en faveur d’Haïti et compte tenu de la crise économique mondiale, il est à craindre qu’il ne soit guère entendu. L’appel à une aide d’urgence a plus de chance de rencontrer un écho, et l’aide apportée à plus de chance d’être utile, si les réponses s’inscrivent dans un programme stratégique. Il est à noter que c’est là l’approche qui a été expressément retenue par la nouvelle Administration américaine face à la crise actuelle de l’automobile.
Ce qui a manqué jusqu’à présent, c’est une stratégie économique à la fois simple et réaliste mais efficace. Étant donné les pesanteurs de la vie politique et de la fonction publique, toute mesure envisagée par les pouvoirs publics doit rester de dimension modeste et doit être axée sur des objectifs précis : tout projet trop ambitieux ou d’envergure serait voué à l’échec. En outre, étant donné la précarité de la situation sociale, toute action des pouvoirs publics doit avoir des résultats importants, rapides, visibles et dont le mérite puisse clairement être attribué au Gouvernement haïtien et non aux seuls donateurs. Il s’agira donc de dresser une liste restreinte de mesures présentant toutes ces qualités et qui, ensemble, auront pour effet d’asseoir la sécurité économique.
Mettre au point une stratégie économique...
Il est complètement irréaliste de penser que le gouvernement d’un État fragile pourrait concevoir une telle stratégie sans aide. C’est précisément parce que la communauté des donateurs est partie du principe erroné selon lequel la conception d’une stratégie économique relève du seul gouvernement que la sécurité économique n’a pas emboîté le pas à la sécurité militaire et à la sécurité politique. Une stratégie économique ne peut être mise au point par le gouvernement seul. La raison en est en partie qu’il s’agit d’un travail technique pour lequel les gouvernements ne sont généralement pas équipés. Ce que fait le gouvernement, c’est formuler à l’intention des donateurs, notamment dans le cadre des Documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté, des demandes qui ne sauraient tenir lieu de stratégie économique car il s’agit essentiellement de listes de projets élaborés par les différents ministères. Dans cette entreprise où le sommet se contente de rassembler les projets émanant de la base, la question de savoir quelles mesures minimales doivent être prises par les pouvoirs publics pour réaliser la sécurité économique n’est même pas posée et inutile de dire qu’il n’y est pas répondu.
Surtout, le Gouvernement haïtien, ne contrôle pas tous les éléments qui doivent entrer dans toute stratégie pour que celle-ci soit viable : des éléments essentiels de la stratégie dépendent en effet des donateurs, du Conseil de sécurité, des investisseurs privés – locaux et internationaux – et du Parlement. À un moment ou à un autre le Gouvernement doit certes se prononcer sur les éléments qui relèvent de son pouvoir, mais comme la réussite de l’entreprise dépend de décisions interdépendantes prises par plusieurs acteurs différents, il ne peut se prononcer tant qu’il ne sait pas ce que comptent faire les autres acteurs clefs. Par conséquent, la stratégie doit être adoptée simultanément par tous les acteurs clefs. Cette interdépendance est caractéristique des États fragiles. Dans ce type de situation, la solution consiste en ce que le Gouvernement approuve sous réserves (en privé) une stratégie énonçant les responsabilités de chacun en ce qui concerne les mesures envisagées, puis en fasse connaître la teneur aux autres acteurs pour qu’ils en discutent, avant qu’elle ne fasse l’objet d’engagements mutuels pris publiquement. Ce n’est que lorsqu’il sait quelles décisions seront prises par les autres acteurs que le Gouvernement peut rendre les siennes publiques.
C’est dans cet esprit que doit être envisagée la stratégie exposée ci-après, qui se veut une première étape dans un processus de convergence graduelle vers un programme qui serait le fruit d’une concertation. Il faudra toutefois absolument éviter qu’à la faveur de ce processus le programme ne s’étende au point de devenir inapplicable : l’entente ne doit pas se faire au détriment du réalisme.
4. Une stratégie réaliste pour une sécurité économique rapide
La présente section expose les éléments d’une stratégie économique possible. Loin d’être élaborée à l’intention du seul Gouvernement, cette stratégie concerne tous les grands acteurs dont l’action détermine, collectivement, les résultats économiques. Il s’agit de définir des objectifs simples, visibles politiquement et réalisables; d’énoncer des mesures claires en précisant le rôle dévolu à chaque acteur; de tendre vers des résultats rapides; et de faire en sorte que tant les mesures prises que les résultats obtenus soient tangibles et se prêtent par conséquent à un contrôle régulier.
4.1 Des objectifs simples et immédiats : asseoir la sécurité sur des emplois, des services de base, la sécurité alimentaire et la sauvegarde de l’environnement
À ce jour, la principale réussite du tandem Gouvernement-communauté internationale est le rétablissement de la paix sociale. Les deux parties savent que cette paix est fragile et que le temps ne joue pas forcément en sa faveur. Dés lors, les grands projets à long-terme ne sont pas appropriés : toutes les mesures qui seront prises doivent contribuer immédiatement à l’instauration de la sécurité économique et non jeter les bases d’un objectif lointain. Toutes doivent avoir des effets rapides et des incidences directes sur la vie des gens. Ce sera au Gouvernement haïtien de décider du choix des mesures mais je suggèrerais comme point de départ la création d’emplois, les services de base, la sécurité alimentaire et la sauvegarde de l’environnement.
L’emploi est capital car il donne dignité aux jeunes et leur permet de structurer leur vie. À l’heure actuelle, seule une fraction de la population active est employée dans l’économie formelle. Tout ce que veulent les jeunes, c’est obtenir un visa pour émigrer, attitude qui est manifestement néfaste.
Les services de base sont par essence un impératif premier : il est effarant qu’au XXIe siècle des enfants puissent arriver à l’âge adulte sans avoir été à l’école et que la mortalité infantile atteigne des taux si élevés alors que cela pourrait être évité. Il est évident par ailleurs que ce sont les pouvoirs publics qui doivent assurer les services de base. L’une des choses qui frappent le plus en Haïti, c’est l’absence quasi totale de l’État sur une bonne partie du territoire. Or, pour que les citoyens coopèrent, il faut qu’ils voient l’État à l’œuvre, répondant aux besoins des gens. Cela ne veut pas dire forcément que l’État doit fournir lui-même les services de base, mais qu’il doit y participer ostensiblement.
La sécurité alimentaire revêt une importance manifeste. En témoignent les troubles survenus en 2008 suite à l’échec dans ce domaine. Dans une société où, dans les villes, les pauvres consacrent environ la moitié de leur revenu à l’alimentation, il faut s’attendre à ce que des hausses de prix importantes et soudaines provoquent des émeutes, lesquelles ont toutes les chances d’être exploitées par les factions politiques rivales du pays, jusqu’à dégénérer en crise.
La sauvegarde de l’environnement est vitale car la ressource que constituent la forêt et les sols s’épuise depuis plusieurs décennies. En effet, le niveau de vie en Haïti, bien que très faible, a été maintenu à un niveau artificiellement élevé et non viable grâce à l’exploitation du capital naturel (on estime que la croissance économique a été trop élevée de 0,8 point de pourcentage par la seule déforestation). Du fait des nouveaux chocs climatiques auxquels il faut s’attendre, l’érosion ira probablement en s’accélérant si des mesures ne sont pas prises.
Ces quatre objectifs prennent évidemment appui sur les mesures de relèvement déjà énoncées dans le Rapport d’évaluation des besoins après désastre. Il s’agit ici d’exposer des stratégies simples qui puissent être rapidement mises en œuvre sur la base des mesures de relèvement, en apportant rapidement un début de réponse aux quatre objectifs, et qui, lorsqu’elles auront démarré, se développeront d’elles-mêmes.
4.2 Création d’emplois
Deux secteurs, que nous étudierons l’un après l’autre, pourraient être une source de création massive d’emplois productifs en Haïti : la reconstruction de l’infrastructure et l’expansion des zones franches.
4.2.1 Reconstruction
Les besoins de reconstruction en Haïti étaient énormes, avant même le passage des cyclones de 2008. Ces besoins ont été considérablement accentués par les déchaînements de la nature, comme il ressort du Rapport d’évaluation des besoins après désastre. Il est cependant essentiel, avant d’agir, de bien comprendre les raisons de l’insuffisance des infrastructures en Haïti. Il semble que celles-ci soient de deux ordres : la première tient au fait qu’une fois construites, les infrastructures ne sont pas entretenues; la deuxième tient au fait qu’il n’y a pas de stratégie qui permettrait de créer des infrastructures là où il le faudrait pour éliminer les goulets d’étranglement de l’économie.
Le comportement des donateurs est au cœur même de la problématique de l’entretien des infrastructures. Les donateurs structurent leurs activités en « projets », formule à laquelle la construction d’infrastructures se prête bien : telle route peut en effet être construite par un donateur et remise au Gouvernement. Si au bout d’une dizaine d’années la route s’effondre faute d’entretien, elle finit par être reconstruite, par le même donateur, ou par un autre. Cette formule non seulement dissocie le budget d’investissement du budget de fonctionnement, mais en outre et sans le vouloir enlève au Gouvernement toute incitation à pourvoir à l’entretien. Il incombe aux donateurs de veiller à ce que toute construction d’infrastructure s’accompagne d’un dispositif d’entretien crédible. Une ébauche de dispositif de ce type a été créée en Haïti : le Fonds d’entretien routier. Malheureusement, ce fonds, pour le moment, n’est qu’un exemple de plus d’un comportement irréaliste de la part des donateurs. Premièrement, aucun système efficace ne permet de garantir que le fonds sera effectivement alimenté (par exemple, le prélèvement automatique de recettes, prévu par le fonds, ne fonctionne pas). Deuxièmement, il n’y a pas de lien entre les travaux de construction et les recettes à prévoir, si bien qu’à mesure que de nouvelles routes seront construites, les fonds qui seront disponibles pour l’entretien seront simplement répartis entre un plus grand nombre de routes.
La question de l’entretien des infrastructures est essentielle du point de vue du nombre d’emplois pouvant être généré car celui-ci dépend du choix des techniques de construction, lequel détermine la qualité des infrastructures. En effet, les techniques à forte intensité de main-d’œuvre produisent des infrastructures de moindre qualité, qui nécessitent plus d’entretien. Si les donateurs ne peuvent apporter une solution au problème de l’entretien, alors il faudra opter pour des techniques à forte intensité de capital et, par conséquent, la construction d’infrastructures contribuera peu à la création d’emplois. Comme il est essentiel de susciter rapidement une offre d’emplois dans tout le pays, il paraît préférable de lancer des travaux publics nécessitant une main-d’œuvre nombreuse.
Priorité : Créer un lien automatique entre construction et entretien.
Si cette condition est satisfaite, on pourra mettre en place un programme de reconstruction faisant appel à des techniques à forte intensité de main-d’œuvre de nature à contribuer à la réalisation du double objectif de la création d’emplois et de la sécurité alimentaire, deux domaines dans lesquels il y a grand besoin d’infrastructures.
L’infrastructure à construire pour créer des emplois dépend des secteurs dont on estime qu’ils présentent un potentiel économique et de leurs lieux d’implantation. Les zones franches destinées à l’exportation d’habillement et l’exportation de mangues sont deux secteurs prometteurs. Les zones franches ont, du point de vue de l’infrastructure, des besoins importants que nous examinerons dans la section suivante. L’exportation de mangues exige une infrastructure plus simple : il s’agit essentiellement de créer un meilleur réseau routier dans les zones de production. Les débouchés potentiels pour la mangue haïtienne sont énormes, d’où probablement un retour sur investissement considérable.
L’infrastructure à développer dans l’optique de la sécurité alimentaire est sans doute de deux types. Il faudrait d’une part mieux relier entre elles toutes les zones fortement peuplées, de manière à créer un marché des produits alimentaires intégré, et, d’autre part, faire en sorte que le réseau routier desserve mieux les zones agricoles à productivité potentielle élevée afin que celles-ci puissent alimenter le marché urbain. De vastes régions en Haïti sont montagneuses. Créer une infrastructure pour désenclaver des populations qui sont dispersées dans ces zones susciterait du point de vue de l’entretien une charge à laquelle le pays ne pourrait faire face et ce ne serait pas non plus rationnel d’un point de vue économique.
Priorité : Sous réserve que la question de l’entretien soit réglée de façon satisfaisante, mettre au point et appliquer un programme de reconstruction de l’infrastructure, y compris l’infrastructure endommagée par les cyclones, à forte intensité de main-d’œuvre et propre à répondre aux besoins devant être satisfaits pour réaliser d’autres objectifs.
4.2.2 Zones franches
À l’échelle mondiale, l’industrie de l’habillement est gigantesque et l’économie haïtienne minuscule. Comme dans beaucoup d’autres secteurs, la production mondiale s’organise aujourd’hui en zones de concentration d’entreprises. En se regroupant en un même lieu, les entreprises réduisent mutuellement leurs coûts. Elles suscitent par exemple la création d’un réservoir de main-d’œuvre expérimentée et, ensemble, constituent un marché suffisamment important pour faire vivre les fournisseurs spécialisés dont elles ont besoin, notamment des fournisseurs de services d’entretien qualifiés. Ainsi, à mesure que le pôle de production s’accroît, les coûts de production des entreprises diminuent. Ce phénomène de baisse des coûts parallèlement au développement de la production est particulier au secteur manufacturier. Dans d’autres secteurs, les entreprises finissent généralement par se heurter à un goulet d’étranglement; tel facteur de production devient rare et à partir d’un certain point les coûts augmentent. Le phénomène de la baisse des coûts est spectaculaire car une fois l’expansion amorcée, il explose : l’industrie entre dans un cercle vertueux de compétitivité croissante. Dans la pratique, il y a un seuil à franchir. Tant que les coûts ne sont pas ramenés aux niveaux mondiaux, les entreprises ne peuvent pas faire face à la concurrence et constituer des zones de concentration. Une fois le seuil franchi, l’industrie peut se développer aussi longtemps qu’elle peut trouver de la main-d’œuvre. C’est ce qu’on a constaté dans l’industrie de l’habillement partout dans le monde : soit les pays ne sont pas compétitifs et leur production est pratiquement inexistante, soit ils arrivent à trouver leur place sur le marché mondial et leur industrie vestimentaire se développe à une vitesse extrêmement rapide, bouleversant la situation de l’emploi dans les sociétés locales. Ce processus est le sujet principal du Rapport sur le développement industriel-2009, que l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) publiera sous peu. Pour Haïti, cela signifie que si le pays arrive à franchir le seuil de compétitivité internationale, la situation de l’emploi s’en trouvera radicalement changée.
À l’heure actuelle, l’industrie haïtienne de l’habillement est de taille modeste et se partage entre deux centres de production : Port-au-Prince, où il semble bien qu’elle stagne, et Ouanaminthe, où elle est nouvellement installée et en expansion rapide. Les deux centres de production tirent déjà parti des possibilités d’accès au marché offertes par HOPE II, à cette différence importante qui tient aux infrastructures. À Port-au-Prince, l’alimentation en électricité est aléatoire et coûteuse et le port national, utilisé par l’industrie de l’habillement, est le plus cher de la région. Ouanaminthe, en revanche, est située sur la frontière avec la République dominicaine. Elle achète son électricité de l’autre côté de la frontière et utilise le port le plus proche, situé en République dominicaine. Ces avantages sur le plan des infrastructures, joints à celui de l’accès facile au marché, suffisent à assurer la compétitivité internationale des ateliers implantés à Ouanaminthe.
On ne peut qu’être frappé par la faiblesse des obstacles à la compétitivité par rapport aux énormes possibilités offertes par les fondamentaux. L’industrie de l’habillement offre un potentiel de plusieurs centaines de milliers d’emplois, potentiel qui pourrait se réaliser en l’espace de quelques années seulement. En outre, les entreprises de la place emploient hommes et femmes dans les mêmes proportions, jugeant les uns aussi bons que les autres, et par conséquent on n’a pas à craindre que le développement de l’emploi dans ce secteur ne crée des fractures sociales. Il importe véritablement de saisir cette chance. Non seulement il y a là une chance réelle de développer l’emploi mais en outre l’on ne la saisit pas, alors l’investissement politique important qu’a représenté l’effort consenti pour obtenir un vote du Congrès américain en faveur de HOPE II sera regardé comme ayant été inutile et les partisans d’Haïti se démobiliseront.
La production vestimentaire demande peu de la part de l’État : le Bangladesh, par exemple, dont l’administration est classée parmi les plus corrompues et les plus inefficaces du monde, a une industrie de l’habillement tournée vers l’exportation qui emploie près de 2,5 millions de personnes. Haïti aurait donc tout intérêt à faire en sorte que chacune des conditions clefs à réunir le soit à un niveau satisfaisant. Il est essentiel que pour chacune des conditions à remplir, au lieu d’aller de l’avant en se fondant sur un programme préexistant, on détermine le niveau à atteindre en prenant pour point de référence le niveau requis pour être compétitif au niveau mondial. Dans le secteur de l’habillement, le facteur de production qui coûte le plus cher est la main-d’œuvre, le second étant l’énergie. Comme la production doit être exportée et les facteurs de production importés, il est essentiel par ailleurs que les ports et les douanes fonctionnent bien.
Il y a deux grandes raisons de répondre aux besoins de l’industrie de l’habillement en aménageant plusieurs zones franches en divers endroits du pays. L’une de ces raisons, comme on l’a vu, c’est que le regroupement des entreprises en un même lieu permet de réduire leurs coûts. La création de zones facilite ce regroupement et c’est d’ailleurs l’approche qui est adoptée en Asie de l’Est. L’autre raison, c’est qu’il est beaucoup plus facile et beaucoup plus rapide de mettre en place les infrastructures et les services dont l’industrie a besoin en créant quelques îlots d’excellence plutôt qu’en essayant d’améliorer ces infrastructures et ces services sur l’ensemble du pays. Nous allons maintenant expliquer comment la création de zones franches peut permettre de satisfaire chacun des besoins essentiels du secteur, simplement et rapidement.
Coût de la main-d’œuvre : des zones de travail posté
Les coûts de la main-d’œuvre en Haïti sont compétitifs par rapport à ceux de la Chine et la qualité de la main-d’œuvre est bonne. Le seul problème semble être les difficultés que rencontre le travail posté. Partout dans le monde, l’industrie de l’habillement pratique le travail posté et ce système serait particulièrement efficace en Haïti car il permettrait de créer un nombre maximum d’emplois pour un volume donné d’investissement et d’infrastructures, sachant que la création d’emplois est le principal objectif. La législation nationale a déjà été ajustée de manière à permettre des dérogations. Cependant, à Ouanaminthe, là où les perspectives d’expansion immédiate sont les meilleures compte-tenu de l’infrastructure, c’est la sécurité des travailleurs qui semble poser problème. Les travailleurs affectés aux équipes de nuit doivent se déplacer pendant la nuit, ce qui est trop dangereux à l’heure actuelle. Le secteur à contrôler étant circonscrit, les forces de l’ordre seraient parfaitement en mesure d’assurer la sécurité des personnes. C’est là peut-être un exemple de cas où il faudrait assurer une meilleure coordination entre les objectifs de sécurité et les objectifs de développement.
Il faut que l’alimentation en électricité soit sûre et peu coûteuse, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle. Il est donc clair qu’il va falloir créer de nouvelles capacités de production. Or, le coût de production du kilowatt est de 6 centimes de dollars environ en Asie de l’Est, alors qu’il sera d’environ 18 centimes en Haïti, si l’on s’en tient au programme prévu, montant qui est sans doute trop élevé. C’est là une situation où l’on constate le besoin de définir un point de référence, à savoir le niveau où l’on doit se situer pour être compétitif, et non pas se lancer dans une stratégie isolée de développement du secteur national de production électrique. Les zones franches auront besoin d’une alimentation en électricité sûre et bon marché. La solution sera probablement une centrale électrique privée qui fonctionnera avec du matériel d’occasion pour maintenir les coûts à un faible niveau. Cette stratégie permettrait sans doute de ramener le coût aux alentours de 10 à 12 centimes le kilowatt, ce qui serait très probablement suffisant compte tenu des avantages dont jouit par ailleurs Haïti.
Priorité : Exempter les zones franches des restrictions sur la production privée d’électricité destinée à la vente (avec des dispositions temporaires qui permettraient aux producteurs de vendre en dehors des zones en attendant que la demande interne se soit suffisamment développée); mettre en place un cadre juridique qui permettrait aux vendeurs et aux acheteurs d’électricité d’avoir confiance dans la tarification.
Lieux d’implantation des usines : des droits fonciers clairement et rapidement définis
Comme dans de nombreux pays qui sortent d’un conflit, la situation en Haïti en ce qui concerne la propriété foncière est opaque et complexe, ce qui rendra difficile la recherche de sites où implanter des usines. Ici encore, le principe des zones peut être utile car il permet de régler la question des droits fonciers à l’intérieur de zones bien délimitées, au moyen de procédures d’approbation accélérée qu’il n’est pas nécessaire de reproduire ailleurs. Formule utilisée avec succès dans la période d’après-conflit, le Gouvernement ougandais a créé une juridiction spéciale dotée d’une compétence bien définie et limitée dans le temps pour connaître des demandes relatives à des droits de propriété. Toutes les demandes présentées dans le délai fixé sont examinées de façon transparente par la juridiction, celle-ci devant, là encore, statuer dans un délai limité. Des moyens divers, comme l’obligation de payer des frais de justice minimums, peuvent être mis en place pour décourager toute demande abusive. En échange de droits de propriété clairement établis, on peut raisonnablement exiger des entreprises qu’elles concèdent les droits de propriété sur des terrains occupés de longue date par des personnes sans titre légal.
Priorité : Faire en sorte que des terrains puissent être rapidement achetés dans les zones franches et que les titres de propriété de ces terrains ne puissent être contestés.
Chacun sait que Port-au-Prince est le port le plus cher des Caraïbes. Le Gouvernement a récemment pris des mesures courageuses pour éliminer certains des principaux facteurs d’inefficacité, initiative qu’il faudrait davantage valoriser. La gestion du port pourrait être facilement améliorée : on ne peut en effet laisser une direction corrompue soucieuse de ses seuls intérêts étrangler le reste de l’économie. Le port de Dar es-Salaam s’est rapidement mis au niveau des normes d’efficacité des ports d’Asie de l’Est dès lors qu’il a été confié à un gérant en régie. La même solution pourrait être adoptée à Port-au-Prince. Les zones franches aménagées dans d’autres régions d’Haïti auront cependant besoin de nouvelles installations portuaires. Le plus simple serait de permettre la création de nouveaux ports privés, dans le cadre d’une réglementation analogue à celle qui s’appliquerait à la production d’électricité.
Priorité : Obtenir les autorisations nécessaires pour mettre tout le port de Port-au-Prince ou une partie du port en régie et créer de nouveaux ports privés.
Acteurs devant intervenir : Gouvernement; parlement; donateurs; secteur privé; Société financière internationale.
Douane
Partout dans le monde, les douanes sont exposées au risque de corruption. En Haïti, les douanes emploient encore des méthodes manuelles. Elles n’ont pas de système douanier automatisé comme SYDONIA, ce qui accroît encore ce risque. Les zones franches sont par définition exemptes de droits de douane mais les agents des douanes doivent tout de même y exercer un contrôle, ce qui laisse la porte ouverte à toutes sortes de situations où la circulation des marchandises pourrait être entravée. Le moyen le plus simple d’éviter ce genre de problème serait de confier les services de douanes dans les zones franches à une société comme SGS, qui gère déjà de nombreux services de ce type dans divers pays. Par ailleurs, on pourrait encourager les exportateurs implantés dans les zones franches à se constituer en association et, pour que cette association ait une action efficace, l’administration haïtienne pourrait instaurer de bonnes communications avec elle à un niveau de responsabilité élevé de manière à ce que les plaintes légitimes soient examinées rapidement et réglées définitivement.
Infrastructure de base des zones franches
Les zones franches devront être viabilisées. Il faudra prévoir un accès routier et assurer l’alimentation en eau et l’évacuation des déchets, ce qui supposera un effort de coordination avec les projets des donateurs. À Ouanaminthe, par exemple, un important projet de construction de route, financé par un donateur, est sur le point d’être achevé mais la route qui dessert la zone franche, du fait qu’elle n’entre pas dans le cadre du projet, est toujours en très mauvais état (la route n’est pas goudronnée et traverse une décharge municipale).
Acteurs devant intervenir : Gouvernement; donateurs.
Coordination pour les exportations d’habillement
Le Gouvernement et les donateurs sont limités dans leur action pour la bonne raison que l’habillement n’est pas leur métier. Il serait donc très souhaitable que dès les premières étapes on associe au projet les fabricants de prêt-à-porter, nationaux et internationaux, de manière à obtenir d’eux des engagements et à mieux comprendre quels sont, de leur point de vue, les principaux obstacles à la production, et de manière à commencer à intéresser quelques grands distributeurs américains. Il s’agirait donc de mobiliser le secteur privé international, mission qui pourrait être confiée à la Clinton Global Initiative. Comme pour la stratégie de développement économique visant l’ensemble du pays, il faudra, pour réussir, susciter la confiance d’un ensemble d’acteurs et coordonner leur action, sous la houlette d’un organisme qui aura été désigné à cette fin.
Priorité : Instaurer un dialogue entre les acteurs intéressés, pour l’exportation d’habillement.
Acteurs devant intervenir : Secteur privé local; Clinton Global Initiative; Gouvernement; donateurs.
Suivi de l’exécution de la stratégie de création d’emplois
Les deux éléments de la stratégie de création d’emplois – travaux publics et zones franches – peuvent donner des résultats visibles au bout de deux à trois ans, même si leurs effets seront surtout à long terme. Pour maintenir la pression voulue, il s’agira de procéder régulièrement à des contrôles, qui permettront à la fois de faire le point des résultats et de déterminer les mesures à prendre, et de faire rapport aux principaux acteurs.
4.3 Les services de base
Les services de base en Haïti sont organisés de manière très particulière. Globalement insuffisants, ils sont assurés pour l’essentiel par des organisations non gouvernementales et par le secteur privé. Cette situation présente à la fois des inconvénients et des avantages. Une stratégie réaliste doit en tenir compte et corriger les défauts tout en tirant parti des avantages.
Le fait que les ONG et le secteur privé soient les principaux prestataires de services de base a plusieurs inconvénients, dont les principaux sont les suivants : les services sont de qualité inégale, dans certains cas médiocres; la couverture géographique est mal assurée, certaines régions étant très insuffisamment desservies; le prix des services est élevé pour les usagers car il n’est pas suffisamment subventionné; et, enfin, les services sont totalement déconnectés de l’administration publique et par conséquent ne contribuent pas à renforcer la confiance des citoyens dans l’État. Les principaux avantages sont que les services les meilleurs sont de bonne qualité et leur coût est faible par rapport au service offert; on évite en grande partie les problèmes de motivation du personnel, que rencontrent souvent les services publics; et enfin le système offre une certaine souplesse et permet de tirer parti des opportunités.
Ce qu’il faudrait, c’est améliorer rapidement et dans de fortes proportions la fourniture de services de base en faisant en sorte d’y associer l’État. Toutefois, développer des services publics n’est pas une solution viable : les problèmes du secteur public sont profonds et il n’est pas réaliste de penser qu’on pourrait les régler rapidement.
Autre solution, l’État pourrait s’impliquer davantage et contrôler de plus près les services fournis par les ONG et le privé. Le modèle à suivre pourrait être la création d’un office indépendant chargé des services sociaux, à savoir un organisme public quasi-indépendant qui coordonnerait et cofinancerait les services fournis par les ONG et le privé. Des variantes de ce modèle ont été adoptées par plusieurs pays et ce système ne soulève pas de questions de principes puisque les services publics préexistants ne sont pas affectés. Cet office serait un organisme public qui ne ferait pas partie de l’administration publique, un peu comme une banque centrale indépendante ou un service des impôts autonome (Independent Revenue Authority). Il appliquerait la politique de l’État, qui serait fixée par les ministères compétents. Le ministère de la santé, par exemple, fixerait des normes de qualité minimums et des niveaux de prix maximums, que devraient respecter les services de santé recevant un financement de l’office. Un tel organisme a une triple vocation. Premièrement, recueillir des fonds auprès des donateurs, de l’État et de diverses autres sources (ces fonds peuvent être inscrits au budget national). Deuxièmement, distribuer cet argent à des prestataires de services (ONG et prestataires du secteur privé) qui seraient liés par un contrat, et en même temps veiller au respect des normes de qualité et de couverture géographique fixées par les ministères. Troisièmement, contrôler l’activité des prestataires et les mettre en concurrence sur la base de critères comparables, c’est-à-dire que les contrats conclus avec les prestataires dont les services seraient les moins satisfaisants ne seraient pas renouvelés tandis que ceux conclus avec les plus performants seraient élargis. Surtout, l’office serait dirigé par un conseil d’administration dont la majorité des sièges irait à des représentants du Gouvernement mais au sein duquel seraient aussi représentés les donateurs et tout autre acteur compétent. Par exemple, considérant la nombreuse diaspora haïtienne, on pourrait envisager que des associations d’Haïtiens de la diaspora soient représentées au Conseil d’administration de l’office, afin d’attirer des fonds en provenance de la diaspora.
L’un des intérêts de cette formule est que les donateurs seraient coresponsables du bon fonctionnement et de l’intégrité du financement des services sociaux de base. En outre, les données nécessaires pour juger si les fonds publics sont employés efficacement seraient communiquées aussi bien au Gouvernement qu’aux donateurs. Les donateurs pouvant constater que le système fonctionne bien, seraient rassurés et, par conséquent, enclins à augmenter les apports de fonds. Haïti serait en mesure de présenter un dossier solide qui l’aiderait à solliciter de nouvelles sources de financement susceptibles d’apporter un concours important à la prestation de services sociaux, comme par exemple la Fondation Gates. Autre intérêt de cette solution, le Gouvernement pourrait mobiliser la nouvelle vague d’« entreprises sociales », lesquelles, alliant argent et capacité d’organisation, pourraient présenter un meilleur rapport coût-efficacité que les ONG traditionnelles.
Pour que l’office puisse démarrer, les donateurs pourraient progressivement passer par son intermédiaire pour financer les ONG, sans augmentation des apports financiers. L’administration publique pourrait ainsi coordonner les activités des donateurs et se poser en cofournisseur des services assurés grâce au financement de l’office, rendant ainsi plus visible la présence de l’État.
Un tel office peut être mis en place rapidement puis développé progressivement et ne doit pas forcément être envisagé comme une entité temporaire. Cette formule pourrait s’avérer mieux adaptée aux besoins d’Haïti que les approches adoptées sans succès jusqu’à présent. Il ne faut pas cependant porter de jugement a priori. Si le système de l’office indépendant s’avère plus efficace que d’autres méthodes de prestation de services, du fait que le contrôle de la performance est inhérent au système, celui-ci pourrait devenir un élément permanent de l’État.
Acteurs devant intervenir : Pouvoirs publics; parlement; certains donateurs; des associations de la diaspora.
4.4 La sécurité alimentaire
Trois éléments interviennent dans la sécurité alimentaire : la production, la distribution et les prix. En 2008, ce sont les prix qui ont dérapé. Il y avait de quoi nourrir la population, mais les denrées sont soudain devenues trop chères par rapport aux attentes.
Haïti dispose d’une marge d’augmentation de sa production alimentaire car sa productivité est faible. L’agriculture n’est pas intensive, en partie du fait que les réseaux de transports ne sont pas assez développés. D’où l’importance des routes d’accès aux régions offrant un potentiel de production car ces routes pourraient faciliter l’acheminement des intrants jusqu’aux lieux de production, et l’accès aux marchés pour les produits. Le Gouvernement ne manque pas de compétence dans le domaine de l’agronomie, à commencer par le Président. Il n’a donc pas besoin de conseils extérieurs sur les mesures qu’il conviendrait de prendre. Vu cet avantage considérable, il serait plus rationnel que le Gouvernement tire parti de ses propres ressources – financières et humaines – plutôt que d’entreprendre une action en coordination avec d’autres acteurs.
La distribution, comme on l’a vu plus haut, serait améliorée si les liaisons entre les principaux lieux de concentration de population étaient meilleures. Un marché de l’alimentation intégré au niveau national permet d’assurer une plus grande sécurité que des poches isolées où des pénuries peuvent se produire.
Les prix des denrées alimentaires, même celles produites localement, s’alignent sur les cours mondiaux. C’est ce qu’on constate en particulier à Port-au-Prince. La crise de mars 2008 était due au fait qu’il n’y avait pas de stratégie viable pour faire face à une flambée des cours mondiaux. Depuis, la récession mondiale a entraîné une baisse du prix des denrées, mais il est important de disposer d’un plan pour faire face à la prochaine hausse. Si la reprise de l’économie mondiale coïncide, lorsqu’elle se produira, avec un choc climatique dans une grande région agricole, on assistera sans doute au même phénomène.
La solution qui pourrait convenir serait de mettre en place d’une part un plan de distribution de vivres en échange de travail ciblant automatiquement une grande partie de la population la plus vulnérable et, d’autre part, une subvention dégressive permettant d’amortir pendant plusieurs mois une hausse du prix des denrées de base afin que les ménages puissent s’adapter progressivement. Ces deux mesures coûtent de l’argent et, en outre, comme on ne peut prévoir les besoins, c’est une dépense qu’on ne peut inscrire au budget. Pour se prémunir contre tout risque, il faudrait recourir à l’assurance, c’est-à-dire que le Gouvernement devrait souscrire une police d’assurance et payer une prime annuelle en échange de quoi il recevrait un montant forfaitaire en cas de hausse importante des cours mondiaux des denrées alimentaires. Bien sûr, il ne s’agirait pas pour le Gouvernement de conclure à proprement parler un contrat avec une société d’assurance, mais il faudrait qu’un donateur affecte une partie de son budget d’aide à une prime d’assurance, soit réelle, soit, plus probablement, théorique, en contrepartie d’un engagement qui serait pris auprès du Gouvernement haïtien. Cette « police d’assurance » pourrait être reconduite chaque année en accord avec le Gouvernement. Comme ce problème est commun à d’autres pays, on pourrait envisager que le Programme alimentaire mondial (PAM) crée un mécanisme d’assurance contre les risques, financé par les donateurs. À l’heure actuelle, le PAM a pour vocation de répondre à des crises alimentaires dues à une cause isolée, comme par exemple la sécheresse, mais après la crise alimentaire mondiale récente, on voit bien qu’il faudrait mettre en place un mécanisme de financement qui permette de réagir automatiquement au cas où à une crise s’ajouterait une flambée des cours mondiaux.
Priorité : Mettre en place une politique nationale visant à accroître la productivité agricole dans les régions à fort potentiel de production vivrière. Développer l’infrastructure routière en fonction des besoins en matière de sécurité alimentaire. Créer un mécanisme de quasi-assurance pour se prémunir contre les hausses brutales des cours mondiaux.
Acteurs devant intervenir : Gouvernement; donateurs; Programme alimentaire mondial.
4.5 La protection de l’environnement
Haïti est un pays fragile sur le plan social et sur le plan de l’environnement. La déforestation spectaculaire a laissé le pays sans défense face à l’érosion. Elle résulte de deux processus distincts, l’un politique, l’autre économique.
Le processus politique tient au fait qu’il n’y a pas en Haïti de loi qui permette de conférer des droits de propriété foncière indiscutables, individuels et cessibles. De ce fait, la réserve forestière est en grande partie propriété publique. Nul n’a un intérêt particulier à défendre ce bien public. Les incitations au pillage sont au contraire nombreuses. Haïti a perdu son stock forestier selon un processus analogue à celui qui fait que le pays a perdu ses voies ferrées : c’est la tragédie des biens communaux.
Le processus économique tient à la pression démographique. Comme la population qui vit de la terre a augmenté, le jeu des forces économiques a bouleversé la composition des activités agricoles. Plus précisément, l’accroissement de la population a entraîné une augmentation de la production de cultures à forte intensité de main-d’œuvre au détriment des cultures à forte intensité de terres, ce qui correspond à une réaction économique logique face à l’évolution du ratio main-d’œuvre/terre. Malheureusement, l’arboriculture étant à forte intensité de terres, cette évolution s’est soldée par la disparition de la couverture forestière et, partant, des systèmes de racines qui retiennent le sol.
La déforestation quasi totale du pays est cependant réversible. La forêt couvre 47 % du territoire de la République dominicaine, contre seulement 3 % en Haïti. La marge est donc énorme. Cependant, de même qu’il est inutile d’envisager de construire des routes si on ne lie pas efficacement construction et entretien, ce n’est pas la peine de planter des arbres si rien n’est fait pour éliminer les facteurs qui incitent à les couper. Ce qu’il faut, c’est donc faire en sorte que la valeur des arbres qu’on laisse pousser augmente et que celle des arbres coupés diminue.
Le moyen le plus direct d’augmenter la valeur des premiers, c’est d’encourager la plantation d’arbres qui rapportent. L’arbre le plus prometteur semble être le manguier, arbre de belle dimension et donc doté d’un réseau de racines important et qui produit un fruit à la valeur marchande élevée. Comme on l’a vu plus haut, le principal obstacle au développement de la culture de la mangue sera l’insuffisance du réseau de transport.
Parallèlement, il faudrait instituer des droits de propriété indiscutables et cessibles pour les terres où seraient créées des mangueraies. Il est indispensable que les droits de propriété soient parfaitement clairs afin de réduire les risques de contestation et de constituer une puissante incitation à protéger les arbres qui auront été plantés. Il importe aussi que les droits de propriété soient cessibles car les manguiers sont des arbres qui ont une très longue durée de vie, ce qui signifie que si les terrains sur lesquels ils ont été plantés ne peuvent être vendus, l’investissement que représente une mangueraie est pour ainsi dire non liquide et par conséquent c’est un investissement qui n’est pas attractif, même si le taux de rendement est élevé. Revoir les droits fonciers dans tout le pays n’étant pas une option réaliste à court terme, on pourrait envisager une solution analogue à celle des zones franches, c’est-à-dire des zones dans lesquelles ont mettrait en application à titre d’essai un régime foncier différent.
Pour faire baisser la valeur des arbres coupés, l’intervention la plus efficace consisterait probablement pour le pays à se donner des textes réglementaires. Le bois coupé est essentiellement utilisé pour être transformé en charbon de bois, et une grande partie de cette production est employée par un petit nombre d’activités commerciales urbaines. En ce qui concerne cet usage, la réglementation pourrait dans un premier temps limiter l’emploi du charbon de bois, puis l’interdire complètement. En ce qui concerne l’utilisation du charbon de bois par les ménages, l’approche réglementaire ne serait pas la bonne. La solution la plus simple serait d’instituer une subvention temporaire sur les bouteilles de gaz, la source d’énergie susceptible de remplacer le plus facilement le charbon de bois. Cela inciterait les ménages à adopter de nouvelles méthodes de cuisson et les habitudes changeraient progressivement.
Une autre action qui pourrait être menée en complément pour stopper la dégradation des sols serait de réduire la pression démographique sur les terres. On a vu que l’augmentation du ratio main-d’œuvre rurale/terres avait fait basculer l’activité agricole vers des cultures à forte intensité de main-d’œuvre, au détriment des activités à forte intensité de terres, l’arboriculture en particulier. En réduisant la population qui vit de la terre, on inverserait cette logique. Bien évidemment, pour réduire la pression démographique sur les terres, il faut créer des emplois ailleurs dans l’économie, et par conséquent, la stratégie de création d’emplois décrite plus haut va dans le sens de la sauvegarde de l’environnement.
Action prioritaire : Favoriser le reboisement en créant de nouvelles incitations. Établir des droits de propriété bien clairs pour les nouvelles mangueraies, adopter des lois interdisant l’usage commercial du charbon de bois, et subventionner les bouteilles de gaz.
Acteurs devant intervenir : Gouvernement; parlement; donateurs.
5. Étapes suivantes
C’est bien entendu le Gouvernement qui devra apprécier l’intérêt des idées exposées dans le présent rapport. Si ces idées ne rencontrent pas l’adhésion politique du Gouvernement compte tenu de ce que lui-même envisage, il vaudra mieux simplement les oublier. Si au contraire le Gouvernement souhaite les mettre en œuvre, alors il doit absolument agir vite. La chance que représente le nouveau Gouvernement haïtien, sur le plan de la politique intérieure, la solidarité suscitée par les dégâts dus aux cyclones, sur le plan de la politique internationale, et la latitude offerte par la nouvelle Administration américaine n’auront qu’un temps. Il faudra donc, au plus haut niveau politique, agir résolument pour faire adopter une série de mesures aux objectifs clairs et circonscrits, dans un laps de temps réduit.
Comme au fond le présent rapport préconise de coordonner les engagements pris par plusieurs acteurs, il faut, pour aller de l’avant, que tous les acteurs se mettent rapidement d’accord sur les grandes lignes d’une stratégie. Il faudra d’abord prévoir une phase d’explications, de discussions et d’information. Dans la pratique, cela signifiera des navettes diplomatiques rapides consistant à faire circuler un projet entre les acteurs clefs jusqu’à ce que tous le jugent réalisable d’un point de vue politique et estiment qu’il répond aux besoins économiques essentiels. Il ne s’agirait pas de négociations, mais simplement d’échanges qui permettraient de savoir quelles décisions pourraient être prises. Il serait peut-être utile d’organiser au préalable une réunion entre les principaux acteurs afin d’accélérer le processus. Les décideurs pourraient opter soit pour la mise en œuvre des mesures de relèvement décrites dans le Rapport d’évaluation des besoins après désastre, indépendamment du reste, ou, soit, à l’autre extrême, décider de les mettre en œuvre uniquement en liaison avec la stratégie de développement envisagée dans le présent rapport. Comme les acteurs sont en petit nombre et que la stratégie proposée n’est pas compliquée, on devrait pouvoir conclure cette étape en février.
Si cette phase aboutit, il faudra constituer aussitôt après de petites équipes de travail qui établiraient chacune de leur côté des plans d’action détaillés pour chacun des éléments de la stratégie. Ces plans d’action mis bout à bout constitueraient la stratégie.
Une fois les décisions annoncées agréées, tous les acteurs se réuniraient pour s’engager publiquement à appliquer le programme qui aura été arrêté. Cette réunion ne serait pas un aboutissement, mais au contraire marquerait le lancement du programme. Elle pourrait prendre la forme d’une conférence de donateurs en marge de laquelle seraient organisées des réunions à l’intention des acteurs du secteur privé. Les engagements mutuels qui seraient pris lieraient toutes les parties. Celles-ci s’engageraient à suivre un programme fixé à échéance de deux à trois ans comportant des mécanismes de contrôle mutuel pour garantir le respect des engagements par tous. Chacun des éléments de la stratégie comportera lui-même un ensemble de mesures convenues avec pour chacune un calendrier d’exécution; il comportera aussi un dispositif de contrôle mutuel et un programme de réunions d’examen. La réunion au cours de laquelle les acteurs prendraient un engagement public pourrait être prévue pour avril.
La phase d’exécution pourrait alors commencer en mai 2009 et se déroulerait sur deux à trois ans. Des réunions qui auraient pour but de veiller à ce que le programme soit bien appliqué auraient lieu régulièrement.
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//Source:
http://www.haitimonde.com/capsules/IMG/pdf/Collier_Rapport_sur_Haiti.pdf
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//Critique du rapport Collier par l'agronome Michel William
http://www.agren-com.org/news/paulcollier27032009.html
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Dernière mise à jour: 3 avril 2009
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