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Je voudrais tout d’abord remercier tous ceux et toutes celles qui ont rendu possible cette Conférence. Des remerciements spéciaux s’adressent au président Moreno, qui a accepté de présider la Conférence, qui en a soutenu l’importance et mobilisé les efforts du personnel de la Banque interaméricaine de développement (BID). Un remerciement particulier s’adresse à la secrétaire d’Etat, madame Hillary Clinton, pour l’intérêt qu’elle a toujours porté à Haïti, à la ministre canadienne de la Coopération, l’Honorable madame Oda qui, au nom du gouvernement canadien, accorde aussi une attention spéciale à Haïti, au Secrétaire général des Nations unies Ban Ki-Moon et au président Bill Clinton pour leur support continu et pour avoir insisté que Haïti soit au centre des discussions. Je remercie aussi le G10 et les institutions financières représentées en Haïti qui ont travaillé ces derniers mois avec les ministres des Finances et de la Planification de mon gouvernement et les membres de leurs ministères, afin que nous puissions être ici aujourd’hui pour participer aux débats et nous engager pour le présent et le futur d’Haïti.
Oui, nous sommes aujourd’hui ici pour discuter du présent et du futur de mon pays, Haïti, et je viens avec un sentiment d’urgence. Avec aussi le sentiment que tout est possible si, ensemble, nous parvenons à saisir les opportunités qui s’offrent à nous pour le mieux-être de notre cher pays . A tous nos distingués visiteurs qui, au cours des derniers sept mois se sont rendus en Haïti, le président Moreno, le président Zoellick, Sa Majesté la Reine d’Espagne, l’Honorable Gouverneure générale du Canada Michaëlle Jean, le Secrétaire général des Nations unies Ban ki-Moon, le président Clinton, le Conseil de sécurité des Nations unies, des ministres, des parlementaires et des délégations des quatre coins du monde, le président Préval et moi avons énergiquement répété que Haïti est à un tournant, peutêtre critique, d’où nous contemplons l’horizon et nous rendons compte qu’il nous faut maintenant aller de l’avant et concentrer tous nos efforts en vue du futur meilleur attendu par le peuple haïtien. En Haïti, les vaudevilles parodient, depuis 50 ans, l’annonce imaginaire par les gouvernements et bailleurs d’un « Grand démarrage », sans y prêter réellement foi. Le temps est venu de casser ce cynisme.
Les défis et les tâches qui nous attendent sont énormes. Je suis arrivée à la tête du gouvernement dans un contexte extrêmement difficile, non seulement en Haïti, frappée de toutes parts par une succession de secousses, mais à un moment où le monde entier connaît la crise financière et économique la plus aiguë des dernières décennies. Pour beaucoup de gens, le futur paraît sombre, empreint d’incertitude et d’un sentiment d’impuissance. Mais je viens d’un pays qui a une détermination et une faculté de reprise légendaires: le peuple haïtien a la capacité de se remettre de ses expériences douloureuses et de rechercher les moyens de mieux affronter les défis, guidé par l’énergie de sa créativité et de son ingéniosité.
C’est donc à ce tournant précis que notre rôle de leaders publics prend sa vraie signification politique. Nous savons que le peuple haïtien nous observe, nous juge et nous ordonne d’agir. Nous avons le devoir de répondre à ses besoins et la responsabilité d’améliorer ses conditions de vie. Le choix du moment est d’une extrême importance. Si nous ne réussissons pas aujourd’hui, si nous ne trouvons pas les moyens de transformer notre vision du futur par des actions immédiates et concrètes, nous porterons collectivement la responsabilité de n’avoir pas su entendre les millions de voix de toutes les régions du pays nous criant que « le moment est venu ».
Le moment est en effet venu d’investir dans les ressources humaines capables d’apporter les indispensables réformes dans l’administration publique pour l’amélioration des services à la population; le moment est venu d’investir dans de nouvelles entreprises et bénéficier des avantages de la Loi HOPE II. Il nous faut créer de nouveaux emplois qui se réaliseront dans un cadre de partenariat constructif et renforcé entre le secteur privé des affaires et le secteur public. Des financements sont nécessaires pour les infrastructures routières devant relier certaines zones éloignées, coupées du reste du pays depuis des siècles; pour l’électricité, indispensable à l’industrie et au tourisme, mais aussi aux millions de petits garçons et de petites filles qui aujourd’hui vont à l’école et connaîtront pour la première fois, en ce 21ème siècle, le bonheur d’étudier le soir avec le courant électrique et non à la lueur chancelante d’une bougie.
Les événements d’avril 2008 qu’on a choisi d’appeler « émeutes de la faim », ont mis à nu notre dépendance par rapport aux importations. En 1970, des leaders haïtiens des secteurs privé et public, avaient été avertis de la vulnérabilité croissante du pays dans le domaine de l’agriculture, qui représentait à une époque, 40 à 45% du Produit intérieur brut (PIB). C’était déjà là un signal clair que l’équation entre la population et les ressources locales avait atteint son point de rupture. L’agriculture constitue aujourd’hui moins de 20% du PIB. Et pourtant, environ 60% de la force de travail vit d’un semblant d’agriculture. La productivité est en baisse et les méthodes de production doivent être sérieusement améliorées. Seuls des investissements massifs dans ce domaine entraîneront la sécurité alimentaire. Il faut au peuple des conditions de travail différentes pour avoir la valeur ajoutée de leurs produits agricoles. Plus important encore, et parce que ce sera leur rendre justice, enfin, d’inclure les paysans haïtiens dans le développement du pays, non pas comme bénéficiaires d’une aide humanitaire, mais en tant qu’acteurs économiques qui trouveront dignité et reconnaissance dans leur travail et leur rôle au sein de la société.
Comme vous pouvez le constater, Mesdames et Messieurs, nous sommes ici avec un plan et des objectifs précis, à la fois raisonnables et réalisables. Les détails de notre programme de reconstruction et de relance, qui sont disponibles sur le web, ont fait l’objet de discussions à Ottawa et dans d’autres forums. Je crois qu’avec votre présence ici aujourd’hui, à en juger par la grande mobilisation et l’intérêt croissant constatés lors des préludes à cette conférence, la nécessité d’une action urgente et immédiate a été favorablement acceptée. L’appui financier que vous accorderez aujourd’hui à Haïti nous permettra de répondre à des besoins de base, en termes de reconstruction et de réhabilitation de notre économie, après les intempéries successives qui ont dévasté le pays en moins d’un mois l’été dernier.
Cependant, devant l’ampleur de notre dénuement, nous sommes également conscients que notre état d’extrême pauvreté, la détérioration de notre environnement et la marginalisation de notre pays en développement trouvent leur origine en partie, aussi bien dans des politiques malavisées, que dans des pratiques répétées de mauvaise gestion. Ceci ne sera plus accepté. Et s’il faudra des années pour inverser les répercussions de ces désastreuses politiques et pratiques, il est impératif que nous commencions maintenant.
Nous sommes heureux de constater qu’aujourd’hui la communauté internationale reconnaisse que nous aussi, citoyens et citoyennes de pays pauvres, pouvons aspirer à la création d’un développement durable destiné à améliorer les conditions de vie de notre peuple. Il est impératif que nos efforts pour consolider et renforcer nos institutions soient soutenus. Notre vision du futur provient de notre conviction profondément ancrée qu’aujourd’hui tout est possible pour que nous rendions la vie meilleure à tous les Haïtiens et Haïtiennes, et que nous fassions d’Haïti un pays où il fera bon vivre. Nous ne pourrons atteindre ce but que si, ensemble, nous formons tous un partenariat solide: la communauté des bailleurs, le secteur privé haïtien des affaires, la société civile et la diaspora, les investisseurs internationaux et tous les amis d’Haïti qui comme nous, membres du gouvernement, aspirent au changement. C’est là le grand défi du moment: construire un partenariat solide et efficace.
C’est la raison de notre présence à Washington aujourd’hui, c’est le sens de cette Conférence.
Notre présence ici est la vive illustration de notre bonne volonté à affronter tous les défis qui jonchent notre chemin. Il faut nous soumettre à des méthodes différentes de travail et de collaboration. Le cadre de cette Conférence nous invite à adopter une nouvelle façon de penser. Les principes directeurs ont disparu il y a longtemps et le moment est venu de reconsidérer leur raison d’être.
L’économie de marché orientée vers le profit s’est toujours appuyée sur des valeurs institutionnelles. En effet, les marchés de capitaux fonctionnent avec d’autres institutions pour la fourniture de services publics comme les écoles, les soins de santé et l’assistance de l’État aux démunis, dans le souci de combattre l’instabilité, l’iniquité et l’injustice. Et, plus important encore, nous savons tous qu’une économie ne peut fonctionner efficacement et avec succès que si elle est basée sur la confiance mutuelle des parties en présence.
Où sont donc passées toutes ces valeurs ?
Si la crise financière qui a bouleversé le monde a apporté quelque chose de salutaire, c’est bien l’impérieuse nécessité de redéfinir le rôle de l’économie, des institutions internationales de coopération et celui de l’Etat. Dans les pays industrialisés, les effets de la crise ont déjà provoqué une série de réponses innovatrices.
Des mesures préventives et agressives ont été conçues pour combattre et amortir les impacts de la crise. Cependant, pour les pays pauvres comme le nôtre dont l’économie est fragile, marginalisée, les effets dévastateurs et pervers s’accumulent et augmentent notre souffrance. Les valeurs fondamentales qui étaient au cœur des institutions fondées sur le marché devront être réinstaurées afin d’empêcher l’aggravation d’une situation qui a déjà causé tant de malheurs dans le monde entier.
Mesdames et Messieurs,
Point n’est besoin de m’attarder d’avantage sur l’urgence d’adopter un nouveau paradigme de coopération et de partenariat internationaux. Le monde a besoin d’institutions crédibles, au service du peuple, avec dignité et dans le respect mutuel. C’est une réaction obligatoire aux bouleversements à l’échelle planétaire dont nous subissons tous, riches et pauvres, les contrecoups causés par les changements climatiques, la crise énergétique, le crime organisé (le trafic illicite de stupéfiants et d’armes à feu) et la migration de masse.
Mon engagement personnel et les années d’expérience que j’ai acquises dans les entreprises associatives me permettent de croire que les personnes de bonne volonté ont la capacité d’influencer positivement les vies de milliers de gens. Dans la fonction que j’occupe aujourd’hui, j’ai le devoir moral d’essayer de faire encore plus. La Conférence des bailleurs, que je perçois comme étant le prélude à une nouvelle collaboration et un partenariat constructif, ouvre des opportunités pour des résultats concrets. Vos promesses et vos engagements continus dans les mois et les années à venir constituent non seulement une réponse à nos besoins les plus pressants, mais contribuent aussi à mieux organiser et structurer nos capacités de développement dans le futur.
En tout premier lieu, nos besoins les plus pressants concernent la sauvegarde de la stabilité sociale. Les quartiers défavorisés dans les grandes villes, en particulier notre capitale Port-au-Prince, sont surpeuplés de jeunes des deux sexes sans emploi, dont le futur paraît absolument sombre. Ils attendent impatiemment des signes d’espoir et sont à la limite du désespoir. Nous sommes sur un terrain très fragile. Si nous n’entreprenons aucune action, les conséquences seront catastrophiques. L’explosion démographique qualifiée de «tsunami de la jeunesse » par le professeur Collier est une menace réelle à la stabilité.
Partenaires et Amis d’Haïti, Mesdames et Messieurs,
Les capacités de production et les réformes institutionnelles dont mon pays a besoin pour atteindre une croissance durable et un développement économique exigent des investissements importants qui ne peuvent plus souffrir d’être gaspillés, comme ils le furent par le passé. C’est la raison pour laquelle, mon gouvernement s’engage résolument dans un processus de changement pour notre pays et nous savons où sont nos responsabilités. Il y aura résistance au changement car le chaos et l’instabilité profitent à certains. Cependant, le président Préval et moi sommes engagés à une refonte des lois et de la fonction publique dans le cadre de la justice et nous avons déjà pris des mesures à cet égard. Nous avons passé des instructions pour restreindre toutes les dépenses excessives de l’État et avons augmenté les recettes fiscales; nous sommes en train de renforcer les institutions pour une gestion transparente et efficace des fonds disponibles d’origine interne et externe; nous travaillons avec ardeur pour respecter les recommandations de l’initiative en faveur des Pays pauvres très endettés (PPTE), prévoyant l’allègement de la dette d’ici à juin 2009; nous avons augmenté de façon significative le rendement des entreprises de l’État afin de les ouvrir à la modernisation; nous avons amélioré la capacité d’absorption des ressources externes tout en établissant les mécanismes nécessaires à une bonne coordination et les exigences d’une gouvernance plus responsable; nous mettons en placeà l’intention du secteur public des pratiques meilleures destinées à sortir notre pays de cet absurde carcan de pauvreté et de privations.
Des efforts constants sont également consentis pour encourager la participation citoyenne et démocratique. L’Exécutif s’est engagé à construire un compromis intelligent et à définir les responsabilités mutuelles de tous les secteurs: le Parlement (nous aurons à la fin de cette semaine des élections partielles pour le renouvellement du tiers du Sénat), le secteur privé des affaires, les Organisations non gouvernementales (ONG) et la société civile en général. Ce processus devra être soutenu ainsi que l’application de la loi, de manière à protéger et renforcer nos acquis, grâce à la présence de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minusah), en matière de sécurité et de stabilité.
En même temps, nous convenons qu’Haïti ne peut pas continuer à demander constamment l’aide des bailleurs internationaux. Nous en assumons douloureusement le paradoxe et sommes conscients que nous ne pouvons pas encore nous émanciper du degré d’assistance étrangère dont nous avons besoin pour atteindre nos objectifs de développement, conformément aux Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et combattre la pauvreté selon les termes du Document de stratégie nationale pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP). Cependant, nous sortirons de cette position inconfortable en utilisant les fonds d’assistance équitablement et en rendant compte au peuple et aux bailleurs.
Mesdames et Messieurs, comme je vous l’ai déjà dit, le moment est venu. Nous avons les mêmes objectifs et sommes tenus de faire route ensemble. À ce stade, nous accueillons la diversité des acteurs dans le contexte de l’aide. Mais, en dépit des intentions les meilleures, des partenariats stratégiques, de la solidarité exprimée à travers les actions positives des organisations communautaires, des démarches de la société civile, rien ne peut remplacer le contrôle de l’État. Les politiques gouvernementales sont essentielles pour lutter contre la corruption et la pauvreté chronique et pour établir une gouvernance efficace et transparente. C’est là l’objectif de mon gouvernement. En réponse aux promesses que vous ferez en ce jour, c’est la promesse que moi, je vous fais à cette Conférence des bailleurs.
Je suis venue avec la fierté et les rêves d’une nation dont la contribution à la lutte universelle pour la liberté et la justice a garanti à son peuple une place d’honneur dans l’histoire. Je souhaite emporter avec moi les engagements et l’espoir auxquels nous aspirons dans notre quête pour un développement et une démocratie durables.
Merci.
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