Par Dr. Pierre Montès
Introduction
Soit P la valeur en dollars que l'on pourrait emprunter sur le marché aujourd'hui au taux d'intérêt annuel i . Le remboursement de cette somme augmentée des intérêts se ferait par des versements annuels d'un montant fixe A sur une période de n années. Le premier versement aurait lieu à la fin de l'année 1, le deuxième à la fin de l'année 2, et ainsi de suite; le dernier versement aurait lieu à la fin de la dernière année n.
En Économique de l'ingénieur et en Mathématique financière, on établit la relation entre P, A, i et n.
Il s'agit d'une relation fonctionnelle de la forme P = f (A, i, n).
L'établissement de cette relation est basé sur le principe d'équilibre suivant.
Le montant initial P, s'il était placé pendant n années au taux d'intérêt annuel i aurait pour valeur (capital et intérêts composés réunis) au bout des n années:
S1 = P (1+i)^n (1)
(lire P multiplié par le binôme (1+i) exposant n)
Les n versements constants A auraient également rapporté des intérêts composés annuellement. L'addition des n montants A et de leurs intérêts composés peut s'écrire:
S2 = A (1+i)^(n-1) + A (1+i)^(n-2) +...+ A (1+i)^2 + A (1+i)^1 +A (1+i)^0 (2)
On multiplie les deux membres de (2) par (1+i) et l'on obtient:
(1+i) S2 = A (1+i)^n + A (1+i)^(n-1) +...+A (1+i)^3 + A(1+i)^2 +A (1+i)^1 (3)
On retranche (3) de (2) membre à membre pour obtenir:
i S2 = A (1+i)^n - A (1+i)^0 (4)
De (4) on tire:
S2 = A [(1+i)^n - (1+i)^0]/i
ou:
S2 = A [(1+i)^n - 1]/i (5)
Le principe d'équilibre (ou d'équité) consiste à égaler les deux sommes S1 et S2. Les relations (1) et (5) conduisent alors à:
P(1+i)^n = A [(1+i)^n - 1]/i (6)
D'où:
P = A [(1+i)^n - 1]/[i (1+i)^n] (7)
La relation (7) est la fonction cherchée.
On peut écrire la relation (7) sous la forme adimensionnelle:
P/A = [(1+i)^n - 1]/[i (1+i)^n] (8)
On retrouve la relation (8) dans tous les livres de Mathématique financière ou d'Économique de l'ingénieur (Engineering Economy). Dans certains ouvrages, la valeur du rapport P/A est tabulée en fonction de i et de n.
Graphique de P/A en fonction de i et de n
Ce que l'on ne retrouve peut-être pas dans les livres est la représentation graphique de cette fonction.
La Figure 1 présente quelques courbes illustrant les valeurs de P/A en fonction de i pour des valeurs fixées de n (n = 1, 5, 10, 15, 20, 25 et 30 ans).
On constate que pour un n fixé, P/A diminue quand i augmente. Cela signifie que, pour un P donné, les versements annuels sont plus élevés si les taux d'intérêts sont élevés. Dans ces conditions, ce ne serait pas le bon moment pour emprunter.
De même, pour un i donné, P/A augmente quand n augmente. Cela signifie que, pour un P donné, une longue durée d'un emprunt permettrait des versements annuels plus faibles. Mais dans ce cas, le montant total des intérêts à payer sur la dette serait plus élevé.
Enfin, le rapport P/A est d'autant plus élevé que le taux d'intérêt est bas. Dans ces conditions, on pourrait se permettre de s'engager dans des emprunts de plus longue durée.
Figure 1 - Graphique de P/A en fonction de i et de n.
Graphique de P en fonction de A, de i et de n, dans le cas particulier où A = 20 millions de dollars
La Figure 2 illustre le graphique de P en fonction de A de i et de n. On voit que les courbes ont la même allure que celles de la Figure 1. En effet, les ordonnées de la Figure 2 sont celles de la Figure 1 multipliées par la valeur de A (ici 20 millions de dollars).
Figure 2 - Graphique de P en fonction de A, de i et de n pour A=20 millions de dollars.
Une taxe de 1% sur les transferts de la diaspora servirait à rembourser un prêt de plusieurs centaines de millions de dollars
Une taxe de $1 sur chaque tranche de $100 de transfert de la diaspora vers Haïti, soit 1%, pourrait générer un montant de 20 millions de dollars par année. En effet, la diaspora transfère environ 2 milliards de dollars par année vers Haïti. Un poucent de cette somme est égal justement à 20 millions de dollars.
L'État haïtien pourrait, par une loi, aller chercher ce montant annuellement en taxant de 1% les transferts de la diaspora vers Haïti.
Un tel montant entrant chaque année dans les coffres de l'État permettrait à l'État de contracter un nouvel emprunt (intérieur ou extérieur) dont la valeur peut être estimée à l'aide des courbes sur la Figure 2 pour un couple (i, n) donné, selon les conditions du marché au moment où ce emprunt serait envisagé.
Voici quelques exemples.
- Si i = 1%, n = 20 ans, A = $ 20 millions, alors, l'emprunt s'élève à P = $ 360,9 millions.
- Si i = 2%, n = 20 ans, A = $ 20 millions, alors, l'emprunt s'élève à P = $ 327,0 millions.
- Si i = 3%, n = 20 ans, A = $ 20 millions, alors, l'emprunt s'élève à P = $ 297,5 millions.
- Si i = 5%, n = 20 ans, A = $ 20 millions, alors, l'emprunt s'élève à P = $ 249,2 millions.
Ce montant emprunté P, compris dans les quatre exemples ci-dessus entre 250 et 360 millions de dollars, serait remboursé en 20 versements annuels égaux de 20 millions de dollars provenant de la taxe de un pourcent sur les tranferts de la diaspora.
Évidemment, d'autrescouples (i, n) conduiraient à d'autres valeurs de P données par le même graphique (ou par l'équation (7)).
Ce montant P servirait à financer la reconstruction d'Haïti.
L'idée est lancée. Elle ne m'appartient plus. Les dirigeants d'Haïti pourraient s'en inspirer pour faire avancer un peu la reconstruction du pays.