mercredi 29 avril 2009

Haïti: Pour une stratégie de véritable croissance économique

Par Marc L. Bazin
Président du MIDH
marclouisbazin@hotmail.com

Source: Le Nouvelliste, 27 avril 2009 (1)


Introduction
Dans cette rubrique consacrée à la nécessité d'un débat sur l'économie, nous avons déjà écrit trois articles (2). Celui d'aujourd'hui, le quatrième, sera suivi de deux autres. À quelqu'un qui demanderait de résumer d'une phrase l'idée centrale du propos, je répondrais : ce qu'il faut à notre pays, ce n'est pas de s'épuiser à courir après une stabilité macroéconomique introuvable, mais à concevoir et à appliquer une véritable stratégie de croissance économique, dont la stabilité macroéconomique ne serait qu'un élément parmi beaucoup d'autres.
Environ 80 % des Haïtiens sont pauvres. À un tel niveau de pauvreté, auquel s'ajoute le pourcentage d'inégalité le plus élevé d'Amérique latine et de la Caraïbe, par ailleurs continent le plus inégalitaire au monde, Haïti n'est pas une entité socialement et économiquement viable. Malheureusement, nous végétons sans but et sans projet. La vie va au jour le jour, plutôt mal que bien. L'aide étrangère finance à la fois fonctionnement et investissements. Pour les trois dernières années, cette aide s'est chiffrée à 600 millions de dollars par an. On nous fait des dons, parce que nous ne sommes pas solvables. En 2008-2009, le déficit à combler est, au bas mot, de 125 millions de dollars. Partout la corruption sévit. Aucun des exercices auxquels nous nous livrons actuellement - ni celui de la stabilité macroéconomique, ni le DSCRP, ni les programmes d'assistance sociale - ne peut contribuer valablement à réduire la pauvreté. En lieu et place du train-train actuel, qui fait de chaque rencontre avec la communauté internationale comme un rendez-vous de la dernière chance, et un prétexte, souvent justifié, à nous faire donner des leçons de bonne conduite en public et à la face du monde entier, ce qu'il faut à notre pays aujourd'hui, c'est une stratégie de véritable croissance économique dont nous devrions commencer d'abord, par nous donner à nous-mêmes autant de moyens que possible, en acceptant de faire les sacrifices nécessaires.
Choix clairs et leadership responsable
Une telle stratégie demande des choix clairs entre plusieurs urgences, souvent conflictuelles, un leadership éclairé et responsable, capable de concevoir la stratégie, d'en expliquer au peuple les objectifs et les étapes et de lui donner l'assurance et la garantie que les bénéfices de la croissance ne seront pas accaparés par quelques-uns mais seront également partagés entre tous les citoyens, riches ou pauvres, avec avantage aux pauvres, qui ont du rattrapage à faire. Un tel leadership ne peut pas venir d'un seul homme, d'une seule femme ou d'un seul parti politique mais d'un consensus national. À défaut par la classe politique de prendre conscience de l'urgente nécessité d'adopter une stratégie véritable de croissance et de construire la base politique nécessaire à la réaliser, l'immense majorité des Haïtiens continuera à n'aspirer qu'à fuir le pays et à menacer la stabilité sociale de nos voisins. À ce compte-là on continuera à nous traiter tantôt de pays « en décomposition », tantôt de « paria » ou, plus récemment encore, de « disgrâce » et nous resterons sous tutelle. Qu'on nous insulte, à la limite, là n'est pas le drame. Après tout, tout le monde peut insulter tout le monde. Le vrai drame est que, à ces insultes, nos dirigeants ne se donnent pas la peine de répondre. C'est comme si, au fond, ils acceptaient d'être ce dont on nous accuse et se contentent de hausser les épaules en disant « Then what ? Où est le problème ? »
Cet article, comme les trois autres qui l'ont précédé, fait partie de ma contribution au débat national organisé par Le Nouvelliste.
Il comporte trois parties :
I. Un besoin de croissance
II. Des vérités fondamentales
III. Les composantes d'une stratégie
En conclusion, nous ferons valoir non seulement que la croissance est nécessaire mais que le temps nous est compté et qu'il faut faire vite.
I. Un besoin de croissance
Notre économie est essentiellement rurale et non diversifiée. Sous l'effet combiné du faible niveau technologique, d'une capitalisation des producteurs grossièrement insuffisante, de l'état lamentable des infrastructures, et de l'incertitude sur les droits de propriété, l'agriculture qui emploie 2/3 de la force de travail ne contribue que pour ¼ au PIB. La productivité du secteur est faible. Le taux d'augmentation de productivité de notre agriculture, entre 1961-1980, a été de 0,6 % et moins 1 % entre 1981 et 2001 par opposition à 1 et 1,7 % pour l'Afrique au Sud du Sahara et de 1,5 et 2,4 % pour l'Amérique latine et la Caraïbe pendant la même période. La productivité du secteur est donc minime et n'a pas augmenté au rythme de l'augmentation de la population. Les services, largement concentrés dans le commerce et en services publics de base, représentent 60 % du PIB et emploient 40 % de la main-d'oeuvre. L'industrie, industrie d'assemblage, construction et énergie représentent 16 % du PIB. Il y a croissance dans une économie quand cette économie augmente régulièrement la quantité de biens et de services qui s'échangent sur le marché, telle que cette augmentation s'exprime dans le Produit Intérieur Brut. À l'heure actuelle, notre PIB est d'environ $ 6 milliards (compte non tenu des augmentations de prix), ce qui nous donne théoriquement à chacun d'entre nous, pour une population évaluée à 9,1 millions d'habitants un revenu par tête de $ 660 par an, soit donc un revenu de 18 centimes par jour.
De ce fait, nous avons le taux le plus élevé de pauvreté en Amérique latine et l'un des plus élevés dans le monde. On dit généralement que 54 % des Haïtiens vivent avec un revenu de $ 1 par jour et 78 % avec un revenu de $ 2 par jour. Mais ces lignes de pauvreté sous-estiment considérablement la somme de pauvreté en Haïti. Dans la pauvreté chez nous, il faut inclure non seulement l'extrême modicité du revenu mais également le manque d'accès à l'éducation, aux services de santé, à l'électricité, à la nourriture, la vulnérabilité aux désastres naturels à quoi il faut ajouter l'incapacité des pauvres à se faire entendre. La pauvreté chez nous est donc multidimensionnelle et la science économique n'a pas encore découvert d'instruments de mesure adéquats de la pauvreté en Haïti.
À la pauvreté extrême, il nous faut ajouter les inégalités. Environ la moitié du revenu national va à 10 % de la population. Ceci est moralement choquant et intolérable. Mais tout aussi grave est le fait qu'un tel niveau d'inégalité est économiquement absurde. Plus une société est égalitaire, mieux elle distribue les biens publics et les capitaux, plus elle réduit les risques de criminalité, de violence et d'instabilité politique. De même, un pays à faible inégalité augmente les chances et la capacité des pauvres à investir et, par suite, à augmenter la production et la croissance. Quand l'économie d'un pays persiste, année après année, à produire des biens et des services en quantité insuffisante par rapport au taux d'accroissement de la population et que les maigres revenus créés sont inégalement distribués, un tel pays ne peut être que pauvre. Pour sortir de la pauvreté, il nous faut la croissance. La croissance est le seul moyen connu à ce jour pour réduire la pauvreté.
Un passage obligé vers la création d'emplois
La croissance économique est le passage obligé vers la création d'emplois et les opportunités de revenus pour les pauvres. Contrairement à ce qui se passe dans les pays riches où la pauvreté est le résultat de l'incapacité des individus à saisir des opportunités, la pauvreté chez nous est fondamentalement une affaire de manque d'opportunités. Un pays avec un taux de croissance soutenu et rapide sur la longue période réduit la pauvreté. À l'inverse, un pays qui voit son revenu global baisser voit aussi son taux de pauvreté s'aggraver. Ici, nous ne parlons pas d'épisodes de croissance. En Haïti, depuis quelque temps, on a tendance à nous rabattre les oreilles avec des épisodes de croissance à 2-3 %, lesquels disparaissent l'année d'après aussi brusquement qu'ils étaient apparus. Pendant les épisodes de croissance, la pauvreté relative varie mais n'a que des effets transitoires sur la pauvreté véritable. Nous, nous parlons de croissance soutenue, et les résultats sur la pauvreté d'une croissance soutenue ne varient pas.
La pauvreté diminue quand la croissance est rapide et soutenue. La pauvreté persiste quand la croissance est faible et épisodique. Mais la croissance n'est pas que l'augmentation des revenus et l'amélioration de la situation financière de chacun. Sans doute, seule la croissance crée les ressources qui permettent de nourrir le corps et d'entretenir la santé. Mais la croissance est aussi une condition nécessaire à l'épanouissement de l'individu, lui permettant par là même d'être créatif et productif. La croissance, c'est pour chacun l'ouverture de nouveaux horizons. Sans elle, ce qui domine dans l'esprit de chacun, c'est le manque de ressources, les privations, le combat pour la vie. Dans de telles conditions d'existence pour ne pas dire de subsistance, les chances pour chacun d'améliorer son potentiel sont nulles. Par contre, un revenu amélioré libère l'individu, il se sent désormais libre de faire des choix, ce qui lui ouvre la voie à toute sortes d'opportunités et lui permet de prendre des risques. En sorte que parmi les bénéfices de la croissance, il faut placer au premier plan l'épanouissement de l'individu, objectif premier du développement.
Depuis 50 ans, Haïti est un pays sans croissance. Entre 1961 et l'an 2000, le revenu réel du PIB par tête tombait de 1 % par an, ce qui s'est traduit par une réduction du revenu réel par tête de 45 % pendant la période.
En 1960, nous étions à égalité avec nos voisins dominicains en termes de produit par tête. De 1970 à 2000, les Dominicains n'ont pas arrêté d'accumuler un taux de croissance de 5 % par an. Aujourd'hui ils sont à plus de 2000 dollars et nous à 660 dollars.Entre 2001 et 2006, notre performance économique ne s'est guère améliorée.

La performance économique d'Haïti, entre 1960-2000, a été la pire dans le monde. Prenons une moyenne de croissance du PIB par tête sur une période de dix ans.




Ce que montre le tableau, c'est que les pays d'Amérique latine et de la Caraïbe ont réussi à transformer la tendance à une croissance négative dans les années 1980 en une croissance positive dans les années 1990. Par contre, la croissance annuelle moyenne du PIB réel par tête d'Haïti, qui était déjà en dessous de la performance de l'Amérique latine et de la Caraïbe pendant les années 1960 et 1970, enregistrait un déclin encore plus prononcé pendant les années 1980, et un déclin encore plus accentué pendant les années 1990. De même, si on met à part les années 1970, notre performance économique a été inférieure à celle de l'Afrique au Sud du Sahara.
Pour bien apprécier les conséquences catastrophiques d'un tel taux de croissance déclinant sur les conditions de vie du peuple haïtien, il faut toujours garder à l'esprit que pendant que la production globale décline, la population, de son côté, augmente. La demande de main-d'oeuvre baisse. Le chômage augmente. La taille du secteur informel s'accroît, d'autant plus que 68 % des entreprises opèrent en dehors du système légal, que 99 % se qualifient de PME et que 90 % de l'emploi formel est centré à Port-au-Prince.
Trente-six ans pour réduire la pauvreté de moitié
Un facteur supplémentaire d'aggravation de pauvreté est la susceptibilité de notre pays aux effets néfastes des catastrophes naturelles. Sans infrastructure adéquate, avec un niveau de déforestation de 97 % et sans un niveau de préparation adéquat, les ouragans nous surprennent toujours la culotte baissée et causent chez nous davantage de dégâts qu'en République dominicaine, des dégâts qui affectent la production agricole, dépriment le revenu, retardent la croissance et aggravent la pauvreté.
En 2006, les projections de croissance du Gouvernement prévoyaient généralement un taux de 4 à 4,5 % par an pour les trois prochaines années. Supposons, pour les besoins du raisonnement, que le taux de croissance augmenterait effectivement de 4 % par an dans le temps où la population augmenterait de 2,3 % par an. Vu le rapport connu entre l'incidence de pauvreté et la croissance du PIB, il faudrait compter 36 ans pour réduire la pauvreté de moitié. Pour toute personne de bon sens, il devrait être clair que nous ne pouvons pas attendre encore 36 ans, non pas pour éliminer la pauvreté, mais pour seulement la réduire de moitié. Or, il se trouve que les politiques menées actuellement ne génèrent même pas ces fameux 4 % de croissance. Elles n'ont aucune chance de réduire la pauvreté.
Ces politiques-là, quelles sont-elles ? Il y en a trois.
L'une c'est la stabilité macroéconomique. Une autre est le DSCRP. Une troisième est le PAS.
Sur la stabilité macroéconomique soyons clairs : Aucune économie ne peut se maintenir et prospérer dans un milieu où règnent les fluctuations de prix, les incertitudes sur le taux de change, les taux d'intérêts et la politique fiscale. C'est là notre position. Mais ici, on doit bien faire attention : la stabilité macroéconomique ne génère pas d'elle-même la croissance. Si la stabilité macroéconomique permet de faire un meilleur usage de la capacité existante, elle doit aussi fournir un cadre qui encourage l'expansion de la capacité existante. Pour générer la croissance, la stabilité macroéconomique doit aller au-delà de l'amélioration d'utilisation d'efficacité des ressources. La stabilité macroéconomique, ce n'est pas le développement. Elle ne fait que réduire l'incertitude sur les chances d'investissements et, à ce titre, elle n'est qu'un élément qui contribue aux chances d'une croissance à long terme. Pour promouvoir la croissance, les réformes doivent aller au-delà des gains d'efficacité.
Quel serait le « bon » niveau d'inflation ?
De même, nous constatons que la façon dont le gouvernement lutte contre l'inflation coûte très cher en termes de production, d'emplois et de revenu. Comment a-t-on pu, face à une augmentation époustouflante des prix mondiaux du pétrole et des biens alimentaires, dont nous n'étions pas responsables, réagir par le simple rétrécissement du crédit, le maintien du déficit zéro et l'absence totale - hormis l'aide étrangère - de toute mise en place d'un filet social de sécurité ? D'ailleurs, qui, ici, a calculé le « bon » taux d'inflation et le niveau maximum au-dessus duquel il devrait se situer pour ne pas décourager l'investissement ? Pourquoi faire du taux d'inflation le grand coupable et le facteur maximum de risques alors que aucune des conditions minimales d'un climat d'investissements n'est, par ailleurs, réunie, et que ni l'État, ni par ailleurs les marchés, n'ont corrigé leurs faiblesses respectives. À noter au surplus que l'objectif de stabilité macroéconomique ne signifie pas que les déficits budgétaires doivent être éliminés, tout le temps et à tout prix. Un déficit budgétaire moins élevé obtenu au prix d'une élimination d'investissements publics réduirait les chances de la croissance à long terme, par suite la taille de l'assiette fiscale, et ne pourra signifier que des déficits budgétaires plus élevés à l'avenir. À poursuivre tête baissée dans une politique macroéconomique de stabilisation tous azimuts sans que celle-ci ne s'accompagne de l'ensemble des structures et mécanismes qui devraient lui permettre de déboucher sur la croissance, nous nous comportons comme « bouki » et nous imposons au peuple haïtien des sacrifices sans bénéfices.
Mais arrêtons ici car là n'est pas le vrai débat pour aujourd'hui. Constatons simplement, que, pour nécessaire qu'elle soit, la stabilité macroéconomique est chez nous sans effet sur la croissance et qu'à continuer avec notre formule actuelle de recherche effrénée de stabilité avec croissance réelle presque zéro, nous perdons du temps et nous aggravons la misère, sans bénéfices pour le peuple haïtien. De toute manière, il faudra bien qu'un jour nous proclamions avoir gagné la bataille contre l'inflation et les déficits et que nous dirigions nos efforts vers la croissance à long terme. Le Gouvernement a-t-il fixé le terme de l'effort de stabilisation et défini ses paramètres ?
Quant au Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté (DSNCRP), si bien conçu à l'origine et adapté aux circonstances de l'époque, il est aujourd'hui dépassé. Sous l'effet cumulé des augmentations des prix pétroliers et des produits alimentaires intervenues en 2008, son cadre macroéconomique s'est effondré et n'a pas été réajusté dans ses principales composantes. Son financement est toujours prévu à hauteur de $ 4 milliards alors que le déficit courant est, au bas mot, évalué à $ 125 millions. Son principal secteur d'intervention, l'agriculture, est l'objet, en public, de la risée du Ministre de l'agriculture lui-même. Autre secteur potentiel de croissance, le tourisme, est davantage un voeu qu'une réalité. À ces faiblesses sectorielles, s'ajoutent l'incapacité de l'État à mener à bien de manière soutenue une réforme d'envergure, l'instabilité électorale, la précarité de la situation de sécurité, l'inadaptation du système judiciaire à la prise de risques par le secteur privé et les effets de la récession mondiale sur le montant de l'aide étrangère officielle et les envois de la diaspora.
Un mot sur les programmes sociaux.
Sans les aides de la communauté internationale et sans doute aussi du PAS, les conséquences sur les populations des désastres naturels auraient été encore plus catastrophiques. Malheureusement, même quand ils seraient d'un volume satisfaisant et d'une efficacité acceptable, de tels programmes ne peuvent qu'augmenter pour un temps donné le niveau de consommation des défavorisés mais ne peuvent en aucun cas se substituer à la croissance comme moyen de réduire la pauvreté.Il y a aussi, depuis peu, le rapport Collier. Le rapport Collier, c'est comme un coup de poing qui vise à nous réveiller de notre longue torpeur. Fruit de la réflexion d'un éminent spécialiste du développement, le texte est précis, pratique et opérationnel. Il illustre à sa manière et de façon éloquente le fait que, au train où nous allons nous sommes dans le brouillard et nous n'arriverons nulle part. Toute la question maintenant est de savoir si le Gouvernement aura la capacité de mener à bien, dans les délais, les suggestions du rapport, de prendre les mesures nécessaires, même les plus délicates, de faire fonctionner efficacement les mécanismes de coordination, d'assurer la complémentarité avec les autres politiques en cours tout en prenant le contre-pied de nos mauvaises pratiques de corruption et d'inefficacité. Il faudra donc attendre de voir le rapport à l'oeuvre dans la pratique. Ce qu'on peut retenir toutefois d'ores et déjà est que l'objectif central du rapport est de créer rapidement le maximum d'emplois, et ne serait-ce qu'à ce titre, le rapport ne contredit pas mais, au contraire, confirme la stratégie véritable de croissance que nous préconisons.
Prochain article : II. Des vérités fondamentales.
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// (1) L'article ci-dessus provient du lien ci-dessous:
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=69698&PubDate=2009-04-27
//

(2) Voici les liens conduisant aux trois articles antérieurs et un autre qui précédait ces derniers:

//Notre système bancaire pourrait se porter mieux, 1er décembre 2008
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=&ArticleID=64786
//

//D'accord pour le débat-1, 12 février 2009
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=&ArticleID=67230
//

//D'accord pour le débat-2, 16 mars 2009
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=&ArticleID=68172
//

//D'accord pour le débat-3, 20 mars 2009
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=&ArticleID=68263
//

Capitalisme et pulsion de mort

Il s'agit du dernier livre de Gilles Dostaler et Bernard Maris, Éditions Albin Michel, 2009, 170 pages.
En avant-propos, les auteurs déclarent:
« "Fuite vers la liquidité", "soif inextinguible de liquidité", "désir morbide de liquidité", comment qualifier autrement la demande angoissée des banques et des institutions financières aujourd'hui, au milieu de la tempête boursière qu,elles ont déchaînée, parce qu,elles étaient mues par une cupidité insatiable, un désir d'argent infini ? Mais l'expression "désir morbide de liquidité" ne nous appartient pas, elle fut inventée par Keynes, et elle renvoie à la pulsion de mort découverte par Freud. Keynes pensait que les banques avaient joué un rôle majeur dans la genèse de la crise de 1929, qui conduisit l'humanité à un désastre. Et voilà que les choses recommencent. Certes, les hommes ont une mémoire et les banques centrales injectent aujourd'hui dans le monde des centaines et des centaines de milliards de dollars et d'euros pour revitaliser une économie mondiale menacée d'effondrement... À nouveau le capitalisme , par sa course effrénée au profit, son désir toujours intense d'accumulation, a libéré ce qui est enfoui au plus profond de lui-même et le meut de toute son énergie: la pulsion de mort. Ce que nous croyions être la "momdialisation heureuse" n'était que la démesure de l'argent fou et sa pulsion destructrice...»
Bernard Maris est agrégé d'économie, journaliste et connu pour ses talents de polémistes.
Gilles Dostaler est un spécialiste de l'histoire de la pensée économique.
Table des matières
Avant-propos
Prologue
1. Freud et la pulsion de mort
2. Keynes et le désir de l'argent
3. Freud et Keynes aujourd'hui
Épilogue. Au-delà du capitalisme
Annexe. Bloomsbury et la psychanalyse
Remerciements
Bibliographie
Capitalisme et pulsion de mort est un livre à lire.

Les démons du capitalisme, pourquoi la crise et comment s'en sortir

Il s'agit du dernier livre d'Alain Dubuc, Les Éditions Voix Parallèles, 2009.
L'auteur est économiste de formation et chroniqueur à La Presse.
On le connaît pour sa rigueur, sa politesse, son franc-parler, son style simple et clair.
La table des matières se résume ainsi:
Introduction (pages 5-8)
Première partie: Les origines de la crise (pages 9-66)
1.- La mondialisation (pages 11-23)
2.- L'internationalisation des capitaux (pages 25-38)
3.- Le délire américain (pages 39-51)
4.- La dictature des marchés (pages 53-66)
Deuxième partie: La crise (pages 67-143)
5.- La grande crise financière (pages 69-83)
6.- La crise boursière (pages 85-98)
7.- Les mots pour le dire (pages 99-112)
8.- La récession mondiale (pages 113-127)
9.- L'exception canadienne et le miracle québécois (pages 129-143)
Troisième partie: Les conséquences (pages 145-212)
10.- Les sorties de secours (pages 141-162)
11.- La maladie du capitalisme (pages 161-173)
12.- Un nouvel ordre mondial ? (pages 175-187)
13 Un monde différent ? (pages 189-200)
14 Vers une société plus juste (pages 201-212)
Conclusion: Un message pour l'avenir (pages 213-215)
Annexe: Chronolgie de la crise financière (pages 217-222)
Il s'agit d'un ouvrage de vulgarisation qui tente d'expliquer les causes et la mécanique de la crise mondiale.
Il décrit le choc boursier et la récession actuelle.
Il tire propose enfin de tirer des leçons pour l'avenir. Écoutez-le:
« ... C'est d'abord le monde financier qui nous a entraînés dans cette débâcle. Sa domination sur la vie économique lui a permis d'imposer sa logique, celle de la spéculation et de l'appât du gain. Si l'on en retient la leçon, cela devrait nous ramener à une conception plus traditionnelle de l'économie, qui repose sur des valeurs comme la récompense du travail et les vertus de l'épargne. Et surtout, cela nous permettra de redécouvrir l'importance primordiale de l'économie réelle, qui doit avoir préséance sur le monde virtuel de la finance ... »
C'est un livre à lire absolument.

dimanche 26 avril 2009

Haïti/ Les comptes économiques en 2008 - Hausse légère du PIB

Source: IHSI


L’exercice fiscal 2007-2008 aura été l’une des périodes les plus difficiles de l’économie haïtienne au cours de ces cinq dernières années. Affecté par de multiples chocs externes et internes, le Produit Intérieur Brut (PIB), selon les estimations préliminaires, n’a crû, en volume, que de 1.3% en 2008. En effet, les crises pétrolière et alimentaire, sur le plan mondial, et le passage successif des quatre ouragans, sur le plan interne, ont handicapé à des degrés divers l’évolution positive des différents secteurs de l’économie.

Cliques sur le lien suivant pour les détails:

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http://www.ihsi.ht/pdf/comptes_economiques_en_%202008.pdf
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samedi 18 avril 2009

Remarks by Dominique Strauss-Kahn at the International Donors Conference on Haiti, Hosted by the Inter-American Development Bank in Washington, D.C.

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Dominique Strauss-Kahn, Photo FMI
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Honorable Prime Minister Pierre-Louis, President Moreno, your excellencies, ladies and gentlemen:

I appreciate very much the opportunity to speak at this International Donors Conference on Haiti. The conference is taking place at a critical juncture for Haiti. Over the past five years, Haiti has made great strides in consolidating its democratic process and improving security and macroeconomic management, hence, reversing decades of economic decline. Now more than ever, Haiti is in a position to anchor these hard-won gains and make inroads in poverty reduction, job creation, and faster growth.
In my remarks today, I will focus on three key messages. First, Haiti—in partnership with the IMF and other multilateral and bilateral donors—has been able to turn around the very difficult situation that it faced five years ago.
Under the PRGF or Poverty Reduction and Growth Facility- supported program that began in November 2006, the IMF has committed about 170 million dollars in concessional lending to Haiti, and close to two-thirds of this total has already been disbursed. This program, which is 140 percent of quota, is one of the highest in terms of quota access for a low-income member country, and has acted as a catalyst for other donor support of Haiti. In the past year, the IMF increased its financial support to Haiti twice in the face of the food and fuel price crises and the severe hurricanes. Haiti is also on track to receive almost 1 billion U.S. dollars in debt relief from the IMF and other multilateral and official creditors by the end of June 2009, leading to annual debt service savings of 35-40 million dollars that would free resources for poverty-reducing and pro-growth expenditures.
The IMF remains committed to a strong relationship with Haiti in whatever capacity the authorities decide, including a possible new PRGF-supported program later this year, when the current one expires.
Haiti has made remarkable progress toward economic stabilization. Financing of fiscal deficits through money creation has been largely eliminated. As a result, inflation fell to around 8 percent by the summer of last year, growth had recovered to around 3 ½ percent range, and net international reserves strengthened substantially.
The authorities also have established a good track record of delivering on their commitments on their economic reform agenda. Steps have been taken to strengthen the independence and governance of the central bank, and to better control budget expenditure. Also, an anti-corruption unit has become operational.
My second message is that despite these gains, however, Haiti is currently facing a very difficult combination of events like few other countries in the world, and needs urgent assistance.
In 2008, Haiti was hit hard by rising world food and fuel prices and devastating hurricanes. With damage from the hurricanes estimated at 15 percent of GDP, inflation rose and economic growth decelerated sharply, becoming negative in per capita terms. Despite these difficult circumstances, the authorities were able to maintain macroeconomic stability and made further progress toward the HIPC completion point.
The Haitian economy is also being adversely affected by the impact of the global slowdown. Remittances, which provide a critical lifeline to many families and are equivalent to about 20 percent of GDP, declined by about 6 percent in February 2009 compared with a year ago. Import prices have fallen, which has helped bring inflation down rapidly, but this decline is now contributing to a significant shortfall in customs revenue. During this fiscal year, the overall fiscal deficit could deteriorate to 4 percent of GDP or more, and the fiscal gap could rise well beyond the level of 50 million dollars originally estimated in the program.
We therefore strongly support the authorities’ request for an additional 125 million dollars in budget support for this year. These resources would enable the country not only to finance its fiscal gap, but also to press ahead with critical investment projects to create jobs, support growth, and reduce poverty.
My third message is that, beyond immediate funding requirements, Haiti also needs our continued support to address key development challenges in the midst of the global slowdown.
There is a critical need to alleviate poverty and malnutrition, consolidate stabilization gains, and anchor ongoing structural and institutional reforms in a sound legal and judicial framework. The IMF will continue to play its part through the provision of macroeconomic policy advice, and technical assistance in its areas of expertise.
We welcome the work under way to establish a common budget support and governance matrix, which could be supported by a large number of donors. I hope that this will allow for an increased share of aid to be provided as general budget support in line with the Paris Declaration on Aid Effectiveness.
We also hope that the private sector and foreign investors will keep their focus on the long-term returns that investing in Haiti can provide. This includes taking full advantage of the trade preferences provided by the United States under the Haitian Hemispheric Opportunity through Partnership Encouragement Act.
Finally, the continued support of the international community will be of little use without Haiti’s own efforts to confront the challenges that it faces today. Addressing serious structural and institutional bottlenecks is essential to improve competitiveness. Also, macroeconomic stability will have to lead to strong economic growth, otherwise the population will start questioning the importance of the macroeconomic stability to better their day-to-day lives.
I would like to end my remarks by stressing that the IMF stands ready to do its part to continue to help Haiti enhance economic prospects and reduce poverty.
Thank you.
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vendredi 17 avril 2009

Discours du Premier ministre Michèle Duvivier Pierre-Louis à la Conférence des bailleurs, le 14 avril 2009

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La Première ministre Michèle Duvivier Pierre-Louis
(Le Matin, 15 avril 2009; photo d'archives)
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Je voudrais tout d’abord remercier tous ceux et toutes celles qui ont rendu possible cette Conférence. Des remerciements spéciaux s’adressent au président Moreno, qui a accepté de présider la Conférence, qui en a soutenu l’importance et mobilisé les efforts du personnel de la Banque interaméricaine de développement (BID). Un remerciement particulier s’adresse à la secrétaire d’Etat, madame Hillary Clinton, pour l’intérêt qu’elle a toujours porté à Haïti, à la ministre canadienne de la Coopération, l’Honorable madame Oda qui, au nom du gouvernement canadien, accorde aussi une attention spéciale à Haïti, au Secrétaire général des Nations unies Ban Ki-Moon et au président Bill Clinton pour leur support continu et pour avoir insisté que Haïti soit au centre des discussions. Je remercie aussi le G10 et les institutions financières représentées en Haïti qui ont travaillé ces derniers mois avec les ministres des Finances et de la Planification de mon gouvernement et les membres de leurs ministères, afin que nous puissions être ici aujourd’hui pour participer aux débats et nous engager pour le présent et le futur d’Haïti.
Oui, nous sommes aujourd’hui ici pour discuter du présent et du futur de mon pays, Haïti, et je viens avec un sentiment d’urgence. Avec aussi le sentiment que tout est possible si, ensemble, nous parvenons à saisir les opportunités qui s’offrent à nous pour le mieux-être de notre cher pays . A tous nos distingués visiteurs qui, au cours des derniers sept mois se sont rendus en Haïti, le président Moreno, le président Zoellick, Sa Majesté la Reine d’Espagne, l’Honorable Gouverneure générale du Canada Michaëlle Jean, le Secrétaire général des Nations unies Ban ki-Moon, le président Clinton, le Conseil de sécurité des Nations unies, des ministres, des parlementaires et des délégations des quatre coins du monde, le président Préval et moi avons énergiquement répété que Haïti est à un tournant, peutêtre critique, d’où nous contemplons l’horizon et nous rendons compte qu’il nous faut maintenant aller de l’avant et concentrer tous nos efforts en vue du futur meilleur attendu par le peuple haïtien. En Haïti, les vaudevilles parodient, depuis 50 ans, l’annonce imaginaire par les gouvernements et bailleurs d’un « Grand démarrage », sans y prêter réellement foi. Le temps est venu de casser ce cynisme.
Les défis et les tâches qui nous attendent sont énormes. Je suis arrivée à la tête du gouvernement dans un contexte extrêmement difficile, non seulement en Haïti, frappée de toutes parts par une succession de secousses, mais à un moment où le monde entier connaît la crise financière et économique la plus aiguë des dernières décennies. Pour beaucoup de gens, le futur paraît sombre, empreint d’incertitude et d’un sentiment d’impuissance. Mais je viens d’un pays qui a une détermination et une faculté de reprise légendaires: le peuple haïtien a la capacité de se remettre de ses expériences douloureuses et de rechercher les moyens de mieux affronter les défis, guidé par l’énergie de sa créativité et de son ingéniosité.
C’est donc à ce tournant précis que notre rôle de leaders publics prend sa vraie signification politique. Nous savons que le peuple haïtien nous observe, nous juge et nous ordonne d’agir. Nous avons le devoir de répondre à ses besoins et la responsabilité d’améliorer ses conditions de vie. Le choix du moment est d’une extrême importance. Si nous ne réussissons pas aujourd’hui, si nous ne trouvons pas les moyens de transformer notre vision du futur par des actions immédiates et concrètes, nous porterons collectivement la responsabilité de n’avoir pas su entendre les millions de voix de toutes les régions du pays nous criant que « le moment est venu ».
Le moment est en effet venu d’investir dans les ressources humaines capables d’apporter les indispensables réformes dans l’administration publique pour l’amélioration des services à la population; le moment est venu d’investir dans de nouvelles entreprises et bénéficier des avantages de la Loi HOPE II. Il nous faut créer de nouveaux emplois qui se réaliseront dans un cadre de partenariat constructif et renforcé entre le secteur privé des affaires et le secteur public. Des financements sont nécessaires pour les infrastructures routières devant relier certaines zones éloignées, coupées du reste du pays depuis des siècles; pour l’électricité, indispensable à l’industrie et au tourisme, mais aussi aux millions de petits garçons et de petites filles qui aujourd’hui vont à l’école et connaîtront pour la première fois, en ce 21ème siècle, le bonheur d’étudier le soir avec le courant électrique et non à la lueur chancelante d’une bougie.
Les événements d’avril 2008 qu’on a choisi d’appeler « émeutes de la faim », ont mis à nu notre dépendance par rapport aux importations. En 1970, des leaders haïtiens des secteurs privé et public, avaient été avertis de la vulnérabilité croissante du pays dans le domaine de l’agriculture, qui représentait à une époque, 40 à 45% du Produit intérieur brut (PIB). C’était déjà là un signal clair que l’équation entre la population et les ressources locales avait atteint son point de rupture. L’agriculture constitue aujourd’hui moins de 20% du PIB. Et pourtant, environ 60% de la force de travail vit d’un semblant d’agriculture. La productivité est en baisse et les méthodes de production doivent être sérieusement améliorées. Seuls des investissements massifs dans ce domaine entraîneront la sécurité alimentaire. Il faut au peuple des conditions de travail différentes pour avoir la valeur ajoutée de leurs produits agricoles. Plus important encore, et parce que ce sera leur rendre justice, enfin, d’inclure les paysans haïtiens dans le développement du pays, non pas comme bénéficiaires d’une aide humanitaire, mais en tant qu’acteurs économiques qui trouveront dignité et reconnaissance dans leur travail et leur rôle au sein de la société.
Comme vous pouvez le constater, Mesdames et Messieurs, nous sommes ici avec un plan et des objectifs précis, à la fois raisonnables et réalisables. Les détails de notre programme de reconstruction et de relance, qui sont disponibles sur le web, ont fait l’objet de discussions à Ottawa et dans d’autres forums. Je crois qu’avec votre présence ici aujourd’hui, à en juger par la grande mobilisation et l’intérêt croissant constatés lors des préludes à cette conférence, la nécessité d’une action urgente et immédiate a été favorablement acceptée. L’appui financier que vous accorderez aujourd’hui à Haïti nous permettra de répondre à des besoins de base, en termes de reconstruction et de réhabilitation de notre économie, après les intempéries successives qui ont dévasté le pays en moins d’un mois l’été dernier.
Cependant, devant l’ampleur de notre dénuement, nous sommes également conscients que notre état d’extrême pauvreté, la détérioration de notre environnement et la marginalisation de notre pays en développement trouvent leur origine en partie, aussi bien dans des politiques malavisées, que dans des pratiques répétées de mauvaise gestion. Ceci ne sera plus accepté. Et s’il faudra des années pour inverser les répercussions de ces désastreuses politiques et pratiques, il est impératif que nous commencions maintenant.
Nous sommes heureux de constater qu’aujourd’hui la communauté internationale reconnaisse que nous aussi, citoyens et citoyennes de pays pauvres, pouvons aspirer à la création d’un développement durable destiné à améliorer les conditions de vie de notre peuple. Il est impératif que nos efforts pour consolider et renforcer nos institutions soient soutenus. Notre vision du futur provient de notre conviction profondément ancrée qu’aujourd’hui tout est possible pour que nous rendions la vie meilleure à tous les Haïtiens et Haïtiennes, et que nous fassions d’Haïti un pays où il fera bon vivre. Nous ne pourrons atteindre ce but que si, ensemble, nous formons tous un partenariat solide: la communauté des bailleurs, le secteur privé haïtien des affaires, la société civile et la diaspora, les investisseurs internationaux et tous les amis d’Haïti qui comme nous, membres du gouvernement, aspirent au changement. C’est là le grand défi du moment: construire un partenariat solide et efficace.
C’est la raison de notre présence à Washington aujourd’hui, c’est le sens de cette Conférence.
Notre présence ici est la vive illustration de notre bonne volonté à affronter tous les défis qui jonchent notre chemin. Il faut nous soumettre à des méthodes différentes de travail et de collaboration. Le cadre de cette Conférence nous invite à adopter une nouvelle façon de penser. Les principes directeurs ont disparu il y a longtemps et le moment est venu de reconsidérer leur raison d’être.
L’économie de marché orientée vers le profit s’est toujours appuyée sur des valeurs institutionnelles. En effet, les marchés de capitaux fonctionnent avec d’autres institutions pour la fourniture de services publics comme les écoles, les soins de santé et l’assistance de l’État aux démunis, dans le souci de combattre l’instabilité, l’iniquité et l’injustice. Et, plus important encore, nous savons tous qu’une économie ne peut fonctionner efficacement et avec succès que si elle est basée sur la confiance mutuelle des parties en présence.
Où sont donc passées toutes ces valeurs ?
Si la crise financière qui a bouleversé le monde a apporté quelque chose de salutaire, c’est bien l’impérieuse nécessité de redéfinir le rôle de l’économie, des institutions internationales de coopération et celui de l’Etat. Dans les pays industrialisés, les effets de la crise ont déjà provoqué une série de réponses innovatrices.
Des mesures préventives et agressives ont été conçues pour combattre et amortir les impacts de la crise. Cependant, pour les pays pauvres comme le nôtre dont l’économie est fragile, marginalisée, les effets dévastateurs et pervers s’accumulent et augmentent notre souffrance. Les valeurs fondamentales qui étaient au cœur des institutions fondées sur le marché devront être réinstaurées afin d’empêcher l’aggravation d’une situation qui a déjà causé tant de malheurs dans le monde entier.
Mesdames et Messieurs,
Point n’est besoin de m’attarder d’avantage sur l’urgence d’adopter un nouveau paradigme de coopération et de partenariat internationaux. Le monde a besoin d’institutions crédibles, au service du peuple, avec dignité et dans le respect mutuel. C’est une réaction obligatoire aux bouleversements à l’échelle planétaire dont nous subissons tous, riches et pauvres, les contrecoups causés par les changements climatiques, la crise énergétique, le crime organisé (le trafic illicite de stupéfiants et d’armes à feu) et la migration de masse.
Mon engagement personnel et les années d’expérience que j’ai acquises dans les entreprises associatives me permettent de croire que les personnes de bonne volonté ont la capacité d’influencer positivement les vies de milliers de gens. Dans la fonction que j’occupe aujourd’hui, j’ai le devoir moral d’essayer de faire encore plus. La Conférence des bailleurs, que je perçois comme étant le prélude à une nouvelle collaboration et un partenariat constructif, ouvre des opportunités pour des résultats concrets. Vos promesses et vos engagements continus dans les mois et les années à venir constituent non seulement une réponse à nos besoins les plus pressants, mais contribuent aussi à mieux organiser et structurer nos capacités de développement dans le futur.
En tout premier lieu, nos besoins les plus pressants concernent la sauvegarde de la stabilité sociale. Les quartiers défavorisés dans les grandes villes, en particulier notre capitale Port-au-Prince, sont surpeuplés de jeunes des deux sexes sans emploi, dont le futur paraît absolument sombre. Ils attendent impatiemment des signes d’espoir et sont à la limite du désespoir. Nous sommes sur un terrain très fragile. Si nous n’entreprenons aucune action, les conséquences seront catastrophiques. L’explosion démographique qualifiée de «tsunami de la jeunesse » par le professeur Collier est une menace réelle à la stabilité.
Partenaires et Amis d’Haïti, Mesdames et Messieurs,
Les capacités de production et les réformes institutionnelles dont mon pays a besoin pour atteindre une croissance durable et un développement économique exigent des investissements importants qui ne peuvent plus souffrir d’être gaspillés, comme ils le furent par le passé. C’est la raison pour laquelle, mon gouvernement s’engage résolument dans un processus de changement pour notre pays et nous savons où sont nos responsabilités. Il y aura résistance au changement car le chaos et l’instabilité profitent à certains. Cependant, le président Préval et moi sommes engagés à une refonte des lois et de la fonction publique dans le cadre de la justice et nous avons déjà pris des mesures à cet égard. Nous avons passé des instructions pour restreindre toutes les dépenses excessives de l’État et avons augmenté les recettes fiscales; nous sommes en train de renforcer les institutions pour une gestion transparente et efficace des fonds disponibles d’origine interne et externe; nous travaillons avec ardeur pour respecter les recommandations de l’initiative en faveur des Pays pauvres très endettés (PPTE), prévoyant l’allègement de la dette d’ici à juin 2009; nous avons augmenté de façon significative le rendement des entreprises de l’État afin de les ouvrir à la modernisation; nous avons amélioré la capacité d’absorption des ressources externes tout en établissant les mécanismes nécessaires à une bonne coordination et les exigences d’une gouvernance plus responsable; nous mettons en placeà l’intention du secteur public des pratiques meilleures destinées à sortir notre pays de cet absurde carcan de pauvreté et de privations.
Des efforts constants sont également consentis pour encourager la participation citoyenne et démocratique. L’Exécutif s’est engagé à construire un compromis intelligent et à définir les responsabilités mutuelles de tous les secteurs: le Parlement (nous aurons à la fin de cette semaine des élections partielles pour le renouvellement du tiers du Sénat), le secteur privé des affaires, les Organisations non gouvernementales (ONG) et la société civile en général. Ce processus devra être soutenu ainsi que l’application de la loi, de manière à protéger et renforcer nos acquis, grâce à la présence de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minusah), en matière de sécurité et de stabilité.
En même temps, nous convenons qu’Haïti ne peut pas continuer à demander constamment l’aide des bailleurs internationaux. Nous en assumons douloureusement le paradoxe et sommes conscients que nous ne pouvons pas encore nous émanciper du degré d’assistance étrangère dont nous avons besoin pour atteindre nos objectifs de développement, conformément aux Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et combattre la pauvreté selon les termes du Document de stratégie nationale pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP). Cependant, nous sortirons de cette position inconfortable en utilisant les fonds d’assistance équitablement et en rendant compte au peuple et aux bailleurs.
Mesdames et Messieurs, comme je vous l’ai déjà dit, le moment est venu. Nous avons les mêmes objectifs et sommes tenus de faire route ensemble. À ce stade, nous accueillons la diversité des acteurs dans le contexte de l’aide. Mais, en dépit des intentions les meilleures, des partenariats stratégiques, de la solidarité exprimée à travers les actions positives des organisations communautaires, des démarches de la société civile, rien ne peut remplacer le contrôle de l’État. Les politiques gouvernementales sont essentielles pour lutter contre la corruption et la pauvreté chronique et pour établir une gouvernance efficace et transparente. C’est là l’objectif de mon gouvernement. En réponse aux promesses que vous ferez en ce jour, c’est la promesse que moi, je vous fais à cette Conférence des bailleurs.
Je suis venue avec la fierté et les rêves d’une nation dont la contribution à la lutte universelle pour la liberté et la justice a garanti à son peuple une place d’honneur dans l’histoire. Je souhaite emporter avec moi les engagements et l’espoir auxquels nous aspirons dans notre quête pour un développement et une démocratie durables.
Merci.
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HAÏTI / ÉTATS-UNIS / CONFÉRENCE DES BAILLEURS / « Vers un nouveau paradigme de coopération pour la croissance et le développement »

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La Première ministre Michèle Duvivier Pierre-Louis
(Le Matin, 15 avril 2009; photo d'archives)
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Source: Le Matin du 15 avril 2009 (1)
Plusieurs importantes personnalités avaient fait le déplacement ce mardi 14 avril dans la capitale fédérale des États-Unis pour se pencher une nouvelle fois sur le cas d’Haïti, en situation critique sur le plan socioéconomique. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’Organisation des États américains, Jose Miguel Insulza, le président de la Banque interaméricaine de développement (Bid), Luis Alberto Moreno, le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, le patron du Fonds monétaire international, Dominique StraussKhan, et la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton étaient présents au siège de la Bid pour apporter leur soutien à Haïti.
Intervenant à la Conférence, la Première ministre Michelle PierreLouis a souligné que son pays, Haïti, avait besoin du support financier international pour s’épargner une catastrophe. Elle a précisé que le temps était venu pour qu’Haïti puisse bénéficier de l’assistance internationale pour offrir de meilleurs services publics, faciliter la création d’un grand nombre d’emplois et améliorer les conditions de vie de la population (Lire discours intégral en page 2 du journal; voir lien ci-dessous (2)).
Dans un communiqué publié après la Conférence, tous les participants ont souligné qu’Haïti se trouve à un tournant décisif et qu’il existe actuellement une fenêtre d’opportunités à saisir. Ils reconnaissent la nécessité d’adopter un nouveau paradigme de coopération pour stimuler la croissance et favoriser le développement équitable et inclusif de tous les Haïtiens et les Haïtiennes. Le communiqué indique que le gouvernement haïtien a présenté un programme urgent de réduction de la vulnérabilité aux désastres naturels et un plan de relance économique et social dont l’objectif principal consiste à créer, au cours des deux prochaines années, 150.000 nouveaux emplois répartis dans plusieurs secteurs tant en milieu rural que dans les zones urbaines. À cette fin, le gouvernement lancera un vaste programme de construction et de réhabilitation d’infrastructures de transport et d’aménagement foncier visant à la relance de la production agricole, en privilégiant les travaux à haute intensité de main-d’œuvre. Il prendra les dispositions nécessaires pour soutenir les investissements créateurs d’emplois, en étroite concertation avec la communauté internationale, les institutions financières et le secteur privé.
Le gouvernement s’est également engagé à mettre à niveau les services de base en matière d’éducation, de santé et d’approvisionnement en eau potable, en prêtant une attention spéciale au respect des normes de sécurité et environnementales et en s’assurant que des fonds suffisants sont alloués à l’entretien et au bon fonctionnement des infrastructures et établissements réhabilités. Le gouvernement veillera aussi à augmenter la production d’électricité, tout en révisant la grille tarifaire pour couvrir les frais de production. Pour permettre à l’administration Pierre-Louis de faire face aux engagements pris dans le plan présenté au cours de la Conférence, les bailleurs ont annoncé des contributions additionnelles de 324 millions de dollars américains pour les prochains deux ans. Un montant de 50 millions de dollars américains est prévu sous forme d’appui budgétaire pour permettre au ministère de l’Économie et des Finances de combler le déficit pour l’exercice en cours.
Les bailleurs ont reconnu la précarité des finances publiques haïtiennes, et ce, malgré la discipline budgétaire rigoureuse et une gestion prudente des politiques monétaire et fiscale. Cette gestion rigoureuse permettra l’atteinte du point d’achèvement pour l’effacement d’une dette d’environ 1 milliard de dollars américains qui diminuera d’environ 48 millions de dollars les obligations financières annuelles et ce à partir de juin 2009. Les partenaires d’Haïti conviennent de poursuivre les efforts conjoints dans ce domaine sur la base de l’accord récent autour du Cadre de partenariat sur l’Appui budgétaire.
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//(1) L'article ci-dessus provient du lien suivant
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//(2) Discours du premier ministre Michèle D. Pierre-Louis
http://www.lematinhaiti.com/Article.asp?ID=18108
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jeudi 9 avril 2009

Haïti est prêt


Par Lima Soirélus, Le Nouvelliste, 8 avril 2009
lsoirelus@lenouvelliste.com


Le gouvernement haïtien est prêt pour défendre les 125 millions de dollars sollicités de ses partenaires de la communauté internationale à l'occasion de la conférence qui réunira, à Washington le 14 avril, des représentants de l'Etat haïtien et des bailleurs. « Tous les documents sont prêts », dit Jean Max Bellerive, ministre de la Planification et de la Coopération externe en marge d'une rencontre mardi avec la commission Economie et Finances du Sénat.
Une délégation conduite par Michèle Duvivier Pierre-Louis, chef du gouvernement, se rendra dans la capitale fédérale américaine en vue de discuter de l'avenir d'Haïti dont le budget confronte à de sérieuses difficultés financières. Cette délégation sera composée du ministre de l'Economie et des Finances, Daniel Dorsainville, de celui de la Planification et de la Coopération externe, les présidents des deux chambres législatives et des représentants du secteur privé et de la société civile.
Selon le ministre Bellerive, l'Administration Préval/Pierre-Louis a changé de stratégie en sollicitant des fonds pour des projets prioritaires. Elle met plutôt l'emphase sur des projets à très courts termes. Infrastructures, relance de la machine économique, santé, éducation, pré désastre..., seront les principaux termes de ces assises dont l'agenda de deux jours a été réduit de 24 heures.
Les projets qu'Haïti doit présenter ont déjà été analysés lors d'une conférence préparatoire tenue récemment à Ottawa (Canada). Selon Jean Max Bellerive, le gouvernement a profité du dernier congrès de la Banque américaine de Développement organisé à Medellin en Colombie pour discuter avec les différents Etats présents à cette conférence.
Les fonds prélevés pour le programme post-désastre et le paiement des arriérés de salaire aux enseignants secteur public ont considérablement affaibli le budget de l'Etat.
Les prévisions mort-nées effectuées autour d'une taxe sur les appels entrants de la téléphonie mobile ont été un dernier coup pour le gouvernement qui avait été contraint à réduire ses dépenses.
« Mon ministère fonctionne à partir d'un budget réduit de 2 milliards de gourdes », fait remarquer M. Bellerive.
Les amis d'Haïti aimeraient trouver des conditions pour financer le développement du pays, soutient le ministre Bellerive.
Pour le M. Bellerive, cette conférence, attendue depuis plus d'un an, demeure une étape décisive dans le développement d'Haïti. « Si nous voulons développer véritablement le pays, il ne faut plus nous concentrer sur l'humanitaire et les services de base en finançant carrément le développement du pays, déclare-t-il. Nous devons passer à l'organisation de nos infrastructures afin d'accueillir l'investissement privé national et international. »
D'autres personnalités avaient abondé dans le même sens reconnaissant que la coopération supportée par l'aide humanitaire ne peut en aucun cas être utile au développement du pays.
Le patron de la coopération externe entrevoit dans cette ultime conférence des bailleurs d'Haïti une occasion d'engager un consensus avec les différents partenaires afin d'arriver à doter le pays de grosses infrastructures telles que les ports et les aéroports.
Jean Max Bellerive rappelle que les recettes de l'Etat ne peuvent garantir le développement du pays. « Il faut absolument trouver le support de la communauté internationale pendant un certain temps », martèle le ministre de la Planification qui se montre très optimiste en ce qui concerne les retombées de la conférence.
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jeudi 2 avril 2009

Le G20 s'engage sur 1.100 milliards de dollars de mesures

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Le premier ministre britannique, Gordon Brown, prononçant le discours de clôture du sommet du G-20
Photo: REUTERS/Dylan Martinez, 2 avril 2009
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Source: Reuters, 2 avril 2009
Par Mark Trevelyan,
version française: Gregory Schwartz

Le Premier ministre britannique Gordon Brown a annoncé l'union mondiale face à la récession, lors de sa conférence de clôture du sommet du G20, qu'il accueillait à Londres.

Le sommet a débouché sur un programme global de 1.100 milliards de dollars pour relancer le système de crédit, la croissance et l'emploi.
"Aujourd'hui, le monde s'est uni pour lutter contre la récession mondiale. Pas avec des mots, mais avec un plan de reprise mondiale et de réformes assorti d'un calendrier clair", a-t-il déclaré.
"Il n'y aura pas de solution rapide, mais grâce aux six engagements que nous avons pris aujourd'hui, nous pouvons raccourcir la récession et sauver des emplois."
Dans son communiqué, le G20 s'engage à "faire le nécessaire pour:
1) restaurer la confiance, la croissance et l'emploi ;
2) réparer le système financier pour permettre la reprise du crédit ;
3) renforcer la régulation financière pour restaurer la confiance ;
4) financer et réformer (les) institutions financières internationales pour surmonter cette crise et en empêcher de futures ;
5) promouvoir le commerce mondial et l'investissement et rejeter le protectionnisme ;
6) construire une reprise complète, écologique et durable."
"FIN DU SECRET BANCAIRE"
Brown a tout d'abord assuré que la régulation des finances mondiales serait étendue à tous ses secteurs, notamment les fonds spéculatifs ("hedge funds").
"Tout d'abord, et pour la première fois, nous nous sommes entendus pour fixer les principes de la réforme du système bancaire mondial. Il s'agit d'un ensemble de mesures qui amènent pour la première fois le système bancaire occulte, y compris les fonds spéculatifs, dans les filets de la régulation mondiale", a-t-il déclaré.
Brown a réaffirmé la fin proche du secret bancaire, un des principaux points du sommet sur lequel la France et l'Allemagne avaient insisté pour un accord concret.
"Nous nous sommes mis d'accord pour mettre fin à la non-coopération des paradis fiscaux, qui ne transmettent pas d'informations lorsqu'on le leur demande. Le secret bancaire d'autrefois doit prendre fin."
L'ensemble des mesures décidées à Londres représentent un plan général de 1.100 milliards de dollars qui seront injectés dans l'économie mondiale par diverses institutions, au premier rang desquelles le Fonds monétaire international.
Les ressources du FMI sont ainsi portées de 250 milliards de dollars à 750 milliards. De plus, 250 milliards de dollars supplémentaires seront affectés aux droits de tirage spécial (DTS) du FMI.
Les échanges mondiaux bénéficieront eux aussi d'un plan de relance supplémentaire de 250 milliards de dollars.
De leur côté, les banques multilatérales de développement de type BERD ou Banque inter-américaine de développement ajouteront un total de 100 milliards de dollars.
Les décisions prises à Londres affecteront également les salaires et bonus des dirigeants des institutions financières, a assuré le chef du gouvernement britannique.
"Nous achèverons la création de collèges internationaux de supervision des institutions financières et mettront en place à l'échelle mondiale de nouvelles règles sur les salaires et les bonus, qui reflèteront les performances réelles et ne récompenseront plus les échecs."
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http://www.canadianeconomy.gc.ca/english/economy/
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mercredi 1 avril 2009

Inégalités vécues : des constantes à redresser

Par Teddy Thomas
teddythomas@msn.com
1er avril 2009

Un correspondant m'a écrit, photos à l'appui, après la lecture de mon dernier article sur les inégalités sociales, pour me faire part de son indignation face à l'incurie des dirigeants haïtiens actuels. Les vues qu'il avait lui-même prises sur la route de Pétionville présentaient un spectacle écologique frappant. Il dit qu'il n'avait « pas de mots pour exprimer sa tristesse et sa colère... contre ce gouvernement de laisser-aller ». Presque en même temps, un autre lecteur m'a retransmis un courriel reçu d'un visiteur étranger récemment rentré d'Haïti. Ce voyageur déclarait combien il avait été choqué par ce qu'il y avait vu. Paradoxalement, il s'était attendu au spectacle de misère, mais ce qui l'avait vraiment étonné, c'étaient les richesses qui s'étalaient à côté de la pauvreté.

Non loin de nous, en Guadeloupe et en Martinique , les images de ces derniers mois ont mis en avant la colère des descendants d'esclaves, fatigués d'être exploités par les Békés, descendant des anciens maîtres blancs constituant encore les couches les plus fortunées de ces départements d'outre-mer français. Notons qu'en 1848, lors de l'abolition de l'esclavage dans ces îles voisines d'Haïti, la France avait dédommagé les propriétaires pour la perte de leurs esclaves sans octroyer la moindre compensation à ces derniers, laissés comme main-d'oeuvre dont l'exploitation était à continuer. Rappelons aussi qu'en Haïti, après avoir été envoyée au diable par Christophe, la France avait fini par obtenir du gouvernement Boyer qu'il accepte de payer une indemnité de 150 millions de francs. Ce montant était destiné au dédommagement des anciens colons dépossédés par la victoire de l'armée indigène sur les troupes napoléoniennes. Les mouvements indépendantistes en Guadeloupe et en Martinique semblent gagner du terrain et la France s'est, cette fois, empressée de dépêcher, avec les gendarmes, des négociateurs. Les Guadeloupéens se rappellent qu'en 1967, ce sont les balles françaises qui avaient noyé leurs revendications quand une centaine d'entre eux furent mitraillés dans les rues...

Un philosophe du nom de Parménide, précurseur du célèbre Socrate, soutenait que plus les choses changent, plus elles restent les mêmes. L'observation répétée de certains faits courants ou d'événements mondiaux, échelonnée sur plusieurs décennies, me donne parfois l'impression de vivre dans un présent continu. Je ne prétends rien apporter ici de bien nouveau, mais, dans ces lignes, je revisiterai quelques incidents dont les premiers datent de ma lointaine enfance. Ils me sont revenus en mémoire au constat de situations récentes concernant les inégalités économiques et sociales.

Le premier de ces incidents s'est déroulé un soir de Noël quand mon père, ma mère et moi rentrions de la messe de minuit. J'avais alors environ dix ans. Nous venions de traverser le Champ de Mars et longions à pied la Rue Capois lorsque nous rencontrâmes un homme qui balayait les rues. Mon père travaillait comme mécanicien au Service d'Hygiène et de Santé publique, dont le balayeur était aussi un salarié. Les deux hommes se reconnurent et mon père s'arrêta pour échanger le salut et les voeux de Noël. Après nous être séparés du balayeur, je demandai à mon père combien il devait gagner pour faire ce travail à cette heure, la nuit de Noël, pensant en moi-même qu'il aurait sans doute préféré la passer en famille. Il gagnait, dit mon père, le salaire minimum de l'époque, trois gourdes et demie par jour, soit un peu plus de 100 gourdes par mois. Une heure plus tôt, à la sortie de l'église, nous avions aussi rencontré et échangé des voeux avec le directeur du Service d'Hygiène et de Santé Publique, qui regagnait sa voiture avec sa femme et ses enfants. Ayant en tête la réponse obtenue au sujet du balayeur de rue, je posai la même question à mon père sur les appointements de ce haut fonctionnaire rencontré après la messe : trois cent cinquante dollars par mois. Avec le taux de change alors en vigueur (un dollar U.S. équivalant à cinq gourdes haïtiennes), cela représentait 1 750 gourdes, ou plus de dix-sept fois la rémunération du balayeur de rue ! Ces écarts me paraissaient déjà époustouflants, mais pensons un moment à ce qu'on entend dans le monde d'aujourd'hui. Chaque jour révèle, à l'échelle planétaire, de nouveaux excès des milliardaires de la finance et de l'industrie.

La question du garçonnet de dix ans que j'étais lors de cette rencontre-là peut paraître à première vue atypique. Elle s'explique par une prise de conscience antérieure même à ce soir de Noël, due à des circonstances plutôt particulières de mon enfance. Price Mars écrivait vers cette époque que la nation haïtienne était une société à deux vitesses. Pour ce que j'ai pu observer en Haïti, je serais tenté d'ajouter que c'est un pays où se côtoient deux cultures, et je peux dire avoir grandi à cheval sur les deux.

J'ai été fils unique. Ma mère engageait d'habitude, pour la cuisine et l'entretien de la maison que nous occupions alors, des personnes qu'elle disait de confiance. Nous n'avions pas encore la télé et la radio était, en ce temps-là, un passe-temps des plus âgés. Quand je n'étais pas occupé à faire mes devoirs scolaires ou à jouer avec les rares enfants du voisinage, en dehors des moments passés avec mes parents, c'est en compagnie des employé(e)s de maison que je passais le plus clair de mon temps. C'était pour moi comme une famille de substitution et je me souviens particulièrement de deux femmes d'âge mûr qui m'ont, chacune à son tour, affectionné comme une seconde maman. Elles gagnaient un salaire de misère. Bien que le plus souvent nourries et logées, ces employées de maison s'organisaient, entre elles ou avec des collègues du voisinage, en mini-coopératives d'achat pour arriver à se payer un article vestimentaire de prix moyen. Groupées par trois ou quatre, elles recevaient chacune, à tour de rôle, la quasi-totalité de la paie mensuelle des autres partenaires, devant ainsi travailler deux ou trois mois pour réunir assez d'argent pour une paire de chaussures. Elles s'appelaient entre elles des associées. Selon des témoignages d'immigrés africains que j'ai eu l'occasion d'entendre, cette coutume existe encore en Afrique.

J'accompagnais souvent ces femmes au marché quand j'étais en vacances. Le dimanche après-midi, elles m'emmenaient parfois en visite chez leurs parents ou amies vivant dans les bidonvilles du Poste-Marchand, de Fort St -Clair (remplacé plus tard par la Cité du Bicentenaire), Sans-Fil et Saint-Martin. Le soir, on s'asseyait en groupe dans la cour pour se raconter des histoires folkloriques et jouer aux devinettes populaires (tire kont). En fin de semaine, je les rejoignais à la cuisine pour aider à préparer les repas et, quand il faisait beau, on m'apprenait à travailler dans un jardin potager au fond de la cour, à construire des tanbou marengwen (instrument musical de nos campagnes), à jouer au petit tambour rustique, à cirer les parquets, à balayer la cour, à manger du poisson salé reçu de la campagne et à élever des poulets. Les hommes m'amenaient parfois assister aux combats de coqs. Trop jeune pour qu'il me fût permis de miser dans les gadyè (locaux aménagés pour les combats de coqs), je possédais quand même un ou deux coqs kalite dont je m'occupais chaque matin, pendant les vacances, sous le regard attentif et amusé du personnel de maison, avec les soins qui étaient de rigueur pour ces futurs athlètes, et ce, doté du savoir-faire d'un vrai professionnel.

Plus tard, devenu officier, j'ai suivi à titre privé une formation de tire manchèt (forme d'escrime pratiquée dans les campagnes haïtiennes) étalée sur plusieurs mois. Deux instructeurs originaires de l'Artibonite, mais travaillant à Port-au-Prince , venaient chez moi pour les cours particuliers, qui ne manquaient pas d'attirer l'attention des badauds du quartier. Une fois par mois, le maître d'armes voyageait à mes frais de Desdunes, haut lieu du tire manchèt, pour vérifier mes progrès. Étant moi-même instructeur militaire, je comptais adapter et intégrer cet art dans le cursus des recrues à ma charge, pensant ainsi reconduire dans l'armée une partie du savoir-faire de nos valeureux combattants d'autrefois. Ce projet est resté un rêve de jeunesse.

C'est en vivant près de ces Haïtiens d'un autre monde, en apprenant leur mode de vie et en écoutant attentivement les conversations que j'ai pu apprécier leurs qualités, leur acceptation des autres, de la vie et de la nature, l'importance du travail manuel, le rôle central de la mère dans la vie affective (se manman ki fè pitit), ainsi que la primauté de l'être sur le paraître. Je peux encore dire que j'ai découvert chez eux un génie propre, malheureusement inhibé... Leur culture était celle des descendants d'anciens esclaves refoulés vers le pays profond, ceux-là qui ne revendiquent pas les Gaulois comme ancêtres. L'autre culture était celle adoptée par les descendants des anciens affranchis, et il n'est plus nécessaire d'en dire ici grand-chose. Elle offrait en priorité les chances économiques et sociales à ceux qui y étaient nés ou y accédaient. D'où la société à deux vitesses de Price Mars.

Un peu plus de dix ans après cette nuit de Noël, j'ai vécu un autre incident encore plus triste. Enseigne de vaisseau aux Garde-Côtes d'Haïti, j'étais invité à un pique-nique par un de nos collaborateurs, employé civil du Centre d'entraînement, qui habitait à Carrefour à environ quinze minutes de notre base de Bizoton. On se rencontrait ce samedi-là après le travail. J'étais l'un des premiers invités sur les lieux. La fête n'avait pas encore commencé quand j'entendis arriver en trombe un petit groupe de gamins qui m'exhortèrent à les suivre immédiatement. Un enrôlé des Garde-Côtes venait de se pendre à un arbre au pied de la colline. La route n'étant pas carrossable, je leur emboîtai le pas et nous nous précipitâmes en courant sur le lieu du drame. Je reconnus tout de suite l'homme qui gisait par terre, ivre mort, et ne réagissait pas à notre présence. Il avait le noeud coulant autour du cou, mais semblait avoir mal attaché l'autre extrémité de la corde à la branche dont il avait dû tomber. Il respirait encore, avec le regard dans le vide. Je le soulève, le charge sur mes épaules et redescends la pente aussi vite que possible jusqu'à ma voiture stationnée sur la grand-route. Transport d'urgence à l'infirmerie de la base, où l'on m'apprend qu'il n'est plus en danger. Je ramène les gamins qui avaient pris place dans ma voiture et c'est pour eux la fin de l'incident.

De retour au travail le lundi matin, je me rends à l'infirmerie pour avoir des nouvelles. L'homme y est encore en observation, et je l'interroge sur les motifs de son geste. Il s'explique : « J'ai été recevoir ma paie au service du personnel (appelé couramment "la Compagnie"). Après les énièmes déductions pour des articles d'uniforme que j'ai depuis longtemps payés, ils m'ont remis une gourde et vingt centimes. Je n'ai pas pu rentrer à la maison pour faire face à ma femme et à mes enfants. J'ai donc acheté du kleren pour me soûler et une corde pour me pendre. »

J'avais depuis longtemps eu vent de ce problème endémique dans l'armée, mais jamais encore je n'avais été témoin d'un cas aussi réel. Les coupables de ces vols bénéficiaient de la loi du silence, car dans l'armée il est très difficile de porter plainte contre un supérieur. C'est avec raison qu'on accuse François Duvalier d'avoir corrompu l'armée afin de l'affaiblir, se sentant menacé par cette institution. Je pense toutefois qu'une certaine forme de corruption y existait déjà avant Duvalier et aurait continué sans lui. C'était le détournement des fonds destinés à l'entretien des casernes, à la paie des enrôlés et à l'alimentation des prisonniers de droit commun présents à de nombreux postes de l'armée. Schéma aujourd'hui familier, où ceux qui possèdent davantage volent l'argent de ceux qui en ont moins. Exemple d'actualité aux États-Unis : les victimes de saisies immobilières, gravement induites en erreur par les banques américaines.

Ce type de corruption, comme on le sait bien, existait ailleurs dans la fonction publique en Haïti, mais son effet était particulièrement nocif et dangereux dans l'armée. En plus des conséquences économiques et sanitaires pour ceux qui ne pouvaient bénéficier pleinement des maigres ressources qui leur étaient allouées, cette forme de vol entraînait aussi la méfiance et le ressentiment des enrôlés à l'égard des supérieurs en cause, avec un potentiel de vengeance personnelle, voire de mutinerie. Je n'étais plus en Haïti lorsqu'éclata le mouvement dit des « petits soldats ». Bien qu'il fût essentiellement à caractère politique, je ne m'étonnerais pas d'apprendre qu'il se trouvait de ces officiers malhonnêtes parmi ceux qui furent ligotés par les enrôlés pour être livrés pieds et poings liés au Grand Quartier-Général, dont les soldats semblaient réclamer justice. Je dois préciser que la plupart des officiers que j'ai connus condamnaient ces détournements d'argent, même si d'autres s'arrangeaient pour se faire affecter à des postes où ils pourraient s'enrichir par ces moyens illicites. Si l'armée devait être un jour rétablie, une vigilance particulière devrait être exercée en ce sens.

Un jour, je me suis fait rabrouer à l'occasion d'un échange d'idées entre camarades. Nous étions une demi-douzaine d'officiers du même grade en train de converser sur des sujets divers, quand la question de solde fut abordée. J'ai alors évoqué l'injustice que je pensais voir dans les inégalités de salaires au sein même de l'armée. Nous côtoyions chaque jour des subalternes ayant deux fois notre âge, avec femme et enfants, qui arrivaient à peine à joindre les deux bouts. Mon opinion fut qu'il faudrait revaloriser le salaire des enrôlés, même si cela devait entraîner une réduction de la paie des officiers. L'un de mes collègues me prit à partie. Personnalisant la discussion, il me dit que je n'opinais de la sorte que parce que je n'avais pas de « responsabilités ». Plus tard, j'ai compris sa remarque en apprenant qu'il était l'aîné d'une famille orpheline de père, où ses jeunes frères et soeurs dépendaient de lui pour poursuivre leurs études. La vérité est néanmoins que nombre d'enrôlés devaient faire face à des situations familiales tout aussi difficiles.

Aujourd'hui, près de cinquante ans plus tard et père d'enfants déjà adultes, je n'ai pas changé d'avis sur la question. Sans préconiser une égalité rigoureuse des revenus, je pense encore nécessaire une réforme de salaires visant à réduire les inégalités, surtout dans les pays capitalistes. C'est une question qui devrait être étudiée et débattue de façon exhaustive par des personnes qualifiées et des parlementaires, à condition que ces derniers acceptent le principe pour eux-mêmes. Alors que disparaîtraient les disproportions de revenus jusqu'à présent entretenues, on continuerait d'avoir de bons médecins, de bons avocats, de bons ouvriers et de bons balayeurs de rue. La différence est qu'ils seraient animés tout d'abord de la volonté de servir et de leur conscience professionnelle.

Certaines avancées ont eu lieu au cours du demi-siècle dernier, mais malgré et peut-être à cause d'elles, la corruption et le crime subsistent par des moyens plus raffinés et les mains criminelles arrivent à se faire de plus en plus invisibles. Ce qu'on a observé pendant cette période dans le monde, c'est que même avec une augmentation en valeur absolue des revenus les plus bas, les écarts se sont creusés de façon exponentielle et l'inflation qui a résulté du gonflement des grandes fortunes a grignoté le pouvoir d'achat de la majorité. Tandis qu'augmentait la productivité des travailleurs, les patrons devenus de plus en plus gourmands empochaient la plus-value. À entendre les slogans des manifestations de rues aux Antilles, en Europe, aux États-Unis, et même les discours du nouveau président américain quant aux redressements nécessaires dans son propre pays, les lignes commenceront peut-être bientôt à bouger dans le monde. Une remise en question de la disparité des revenus est clairement à l'ordre du jour. Le temps des véritables réformes n'est peut-être pas si loin qu'on le pense.

Un monde plus juste et plus égalitaire n'est pas irréalisable. Il est important de garder les yeux sur les objectifs de justice et d'équité. Tel l'arbre qui ne saurait pousser vers le ciel sans le soleil, un peuple qui abandonne ses idéaux renonce du même coup à son épanouissement et à sa grandeur. Concluons, en ce qui se rapporte à l'avenir Haïti, avec ces mots d'un très dynamique lecteur et interlocuteur, qui m'écrivait dans un récent courriel : « Nous devons dénoncer de manière scientifique... nos pesanteurs historiques et culturelles, causes fondamentales de notre sous-développement. » Merci, mon ami.
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L'article de Monsieur Thomas me rappelle un texte que j'avais publié dans Haïti-Observateur en janvier 1987 au sujet du bas salaire des enseignants haïtiens.

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